"Je suis à l'écoute de ce qui revient [1]".
Proche de l'art informel, de la peinture gestuelle et de l’abstraction lyrique, Georges Noël (1924-2010) a toujours préservé son indépendance. Figure importante de la scène européenne dès les années 1960, il quitte la France pour les États-Unis où il vit et travaille entre 1968 et 1983. Depuis ses débuts, Noël multiplie les expériences techniques et invente ce qu’il nomme son « magma » pictural, un nouveau support auquel il reste fidèle sa vie durant, et qui est sa marque de fabrique, sa « griffe ».
« J’essaie de retrouver l’univers à travers moi. Sortir du centre, aller là-bas, revenir là. Cela récréait en moi l’énigme de l’individu pensant, respirant, entendant, sentant, touchant. J’étais comme un alchimiste dans son laboratoire [2] » confie l’artiste à l’écrivain Michel Butor.
Le matériau qu’il invente est un mélange d’acétate de polyvinyle, une colle particulièrement résistante après séchage, de sable ou silex broyé, et de pigments purs. Il travaille cette matière singulière dans l’épaisseur de couches successives colorées dont la texture brute, granuleuse ou veloutée, accroche l’œil et appelle la main. Sa technique est aussi savante que son geste est rapide. Incisions, graffitis, écritures, superpositions, arrachements… révèlent les strates primitives de l’œuvre et portent l’empreinte de sa fascination pour les cultures préhistoriques, archaïques et tribales.
« Ces palimpsestes, a écrit récemment Philippe Dagen, semblent les traces de civilisations disparues. Ils appellent aussi des comparaisons avec l'art des contemporains de Noël, et tout particulièrement avec Cy Twombly. La question est alors : pour quelle raison l'œuvre de Noël, non moins puissante que celle de Twombly, n'est-elle pas autant montrée et estimée ? [3]. »
La portée historique de l’œuvre peinte, dessinée et sculptée de Georges Noël est majeure : elle a été défendue par la Galerie Paul Facchetti dès 1957 puis à New York par la Pace Gallery et la Arnold Herstand Gallery à partir de 1973. De retour en France en 1983, il prépare une exposition importante à l’Abbaye de Senanque et une rétrospective au C.N.A.P. à Paris en 1985. L’évolution de sa peinture montre une synthèse entre la gestualité de ses débuts et une structure sous-jacente mise en place pendant sa période américaine. À partir de ces années-là, il expose régulièrement à Paris, en Italie, en Allemagne et au Japon où son œuvre est particulièrement appréciée.
Les œuvres de Georges Noël sont aujourd’hui conservées dans le monde entier. Elles se trouvent notamment en France au Musée National d’Art Moderne/Centre Georges Pompidou, au MAM - Musée d'Art Moderne de Paris et à la Pinault Collection ou encore au Musée d’arts de Nantes, ainsi que dans les plus prestigieuses collections étrangères comme en Allemagne, à la Neue Nationalgalerie de Berlin, aux États-Unis au Metropolitan Museum of Art et au Solomon R. Guggenheim Museum de New York ou encore par exemple au Japon, à l’ISE Foundation de Tokyo.
[1] Michel Butor, « Alchimie du silence » in Gladys Fabre, Georges Noël, Paris, La Différence, 1997, p. 24.
[2] Georges Noël à Michel Butor, op. cit., p. 20.
[3] Philippe Dagen, « Sélection galerie », Le Monde, 4 décembre 2021.