Dans ces trois œuvres dont le titre souligne le caractère autoréflexif, j’ai voulu suggérer la beauté et l’étrangeté des objets techniques mais aussi la part de sensualité et de rêverie...
Dans ces trois œuvres dont le titre souligne le caractère autoréflexif, j’ai voulu suggérer la beauté et l’étrangeté des objets techniques mais aussi la part de sensualité et de rêverie qui peut s’en dégager. Inspirés des schémas optiques représentant la déviation des rayons lumineux dans l’appareil photo et les phénomènes de réfraction, réflexion ou projection, ces pièces combinent différents types d’images. Chacune prend pour point de départ le négatif d’une photo publicitaire issu du fonds Pentacon et s’achève sur la vue d'un wafer*. Chacune intègre aussi des dessins didactiques, des vues étranges de matériel en négatif ainsi que des collages qui détournent des œuvres de László Moholy-Nagy, artiste qui joua un rôle fondamental dans la théorisation de la photographie. En 1923, ce dernier eut la géniale intuition de faire réaliser une pièce à distance en communiquant par téléphone à un fabriquant d'enseignes les coordonnées spatiales des éléments composant un dessin réalisé au préalable sur du papier millimétré. Il anticipait ainsi l’art conceptuel des années 60, mais aussi le principe qu’’une image peut se traduire par un ensemble de données numériques. J’ai transposé cette peinture téléphonique en collage dans l’un des éléments de FEEDBACK LOOP/Projection, œuvre qui évoque, aux sens propre et figuré, l’idée de projection en jeu dans la photographie et le cinéma. La photographie qui ouvre la séquence montre un modèle féminin utilisant un appareil-photo autofocus qui ne fut jamais commercialisé, car il ne fonctionnait pas, tandis que la vue très agrandie de la surface du wafer qui clôt l’ensemble n’est pas sans rappeler les séries de Frozen Film Frames du cinéaste expérimental Paul Sharits. Les deux autres assemblages — Feedback Loop/Refraction et Feedback Loop/Reflection —sortes de récits allégoriques de la visée réflex — une invention originaire de Dresde — sont des représentations mentales qui évoquent les mécanismes à l’œuvre au moment de la prise de vue tant à l’intérieur de l’appareil photo que dans l’imaginaire du photographe incarné ici par une modèle féminin. Au sein de cette boucle réflexive, celle-ci est à la fois sujet et objet, positif et négatif, image réfléchie et réfractée comme à travers un stigmomètre - ce que souligne le décalage physique du tirage sur deux plans; elle pose l’œil tantôt ouvert, tantôt fermé comme un obturateur, nous rappelant ce paradoxe que les images enregistrées par un appareil réflex ne peuvent être vues par l’opérateur au moment de la prise de vue. Les versos agrandis des wafers qui referment la séquence évoquent quant à eux d’étranges planètes qui laissent entrevoir des traces d’empreintes digitales, sinon des taches rappelant ces insaisissables corps flottants qui naviguent sur la surface de nos rétines lorsque nous tournons nos yeux vers la lumière. ` * (disque de silicium destiné à la fabrication des circuits intégrés utilisés partout dans l’électronique ainsi que dans les capteurs numériques)