Un jour, Véronique Boudier a dit : « Je vais faire un film », puis elle a disparu pendant 6 mois, presque un an, dans la forêt en Savoie, a-t-on appris depuis. C’est curieux, car elle avait déjà utilisé la vidéo dans plusieurs œuvres, mais là elle a dit : « un film ». Et quel film ! Fin 2008, les premières projections publiques de « Nuit d’un jour » ont révélé un bijou, un miracle ; ce film est un cadeau, un plan-séquence fixe de près d’une heure pendant laquelle un décor un peu vieillot prend feu, se consume puis s’effondre sur lui-même, laissant apparaître la clairière dans laquelle il se trouvait, vrai décor de cinéma qu’il était, qui se nimbe d’une aurore sublime grandissant à mesure que la lueur du feu s’amenuise. Sans aucun trucage, bien sûr, car Véronique Boudier ne triche jamais. Ou alors si grossièrement que c’est pour se faire prendre.
Après « Nuit d’un jour », Véronique Boudier a goûté légitimement le bonheur d’avoir réalisé une œuvre dont la beauté s’impose à tous, car ce film a été montré, et acheté, partout, ce qui est quand même la moindre des choses. Puis elle a dit : « Je vais refaire un film ». Là, nous l’avons vraiment écouté avec attention. Car Véronique Boudier appréhende le cinéma en sculpteur-née qu’elle est. Pour elle, le scénario, le décor, les acteurs, le cadre, l’affiche, le titre, la lumière même de la projection, tout ça c’est du matériau de sculpteur, qu’elle pétrit, taille, fond et dispose à sa guise.
Dans « Futur Film », elle conduit cette logique à son point d’incandescence maximum. On pourra se de- mander à tout moment (avec le lettriste Maurice Lemaître, en 1951) si « Le film est déjà commencé ? ». Dans la galerie Véronique Boudier installe en effet un « décor ». Mais ce décor est lui-même en partie constitué de « films » projetés, et s’ouvre par son affiche. Il contient également, sur une table, collé à une toile cirée elle aussi collée, le cahier bleu qui renferme le scénario du « Futur Film », mais dont toutes les pages sont collées entre elles, et qui voisine avec un jeu de tarots tiré... « Futur Film » raconte une recherche, la recherche d’un homme : mais c’est peut-être lui qui se cherche.
« A-t-on une chance au moins de voir une fois sa propre folie ? » : la question que Véronique Boudier a placée en point final (provisoire) du synopsis de « Mimétisme du mimosa » donne la mesure de la hau- teur qu’elle assigne à l’art. Poupée-gigogne cinématographique vertigineuse, « Futur Film » appréhende la narration au niveau auquel les meilleures productions hollywoodiennes comme « Mulholland Drive », « Inception » ou « Eyes Wide Shut » l’ont laissée, aux frontières de l’entendement autorisées par l’enter- tainment, mais les pulvérise dans les quatre dimensions de l’art post-duchampien.
« Épisode » inaugural de « Futur Film », l’installation « Mimétisme du mimosa » est la première exposition personnelle de Véronique Boudier à Paris depuis 2008, et sa première à la Galerie Christophe Gaillard. Révélée lors de l’exposition « L’hiver de l’amour » organisée par la revue Purple à l’ARC-Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 1994, Véronique Boudier est une artiste rare, importante, qui poursuit sa route sans souci de produire, si ce n’est de la pensée, de la pensée en formes.
Stéphane Corréard
Après « Nuit d’un jour », Véronique Boudier a goûté légitimement le bonheur d’avoir réalisé une œuvre dont la beauté s’impose à tous, car ce film a été montré, et acheté, partout, ce qui est quand même la moindre des choses. Puis elle a dit : « Je vais refaire un film ». Là, nous l’avons vraiment écouté avec attention. Car Véronique Boudier appréhende le cinéma en sculpteur-née qu’elle est. Pour elle, le scénario, le décor, les acteurs, le cadre, l’affiche, le titre, la lumière même de la projection, tout ça c’est du matériau de sculpteur, qu’elle pétrit, taille, fond et dispose à sa guise.
Dans « Futur Film », elle conduit cette logique à son point d’incandescence maximum. On pourra se de- mander à tout moment (avec le lettriste Maurice Lemaître, en 1951) si « Le film est déjà commencé ? ». Dans la galerie Véronique Boudier installe en effet un « décor ». Mais ce décor est lui-même en partie constitué de « films » projetés, et s’ouvre par son affiche. Il contient également, sur une table, collé à une toile cirée elle aussi collée, le cahier bleu qui renferme le scénario du « Futur Film », mais dont toutes les pages sont collées entre elles, et qui voisine avec un jeu de tarots tiré... « Futur Film » raconte une recherche, la recherche d’un homme : mais c’est peut-être lui qui se cherche.
« A-t-on une chance au moins de voir une fois sa propre folie ? » : la question que Véronique Boudier a placée en point final (provisoire) du synopsis de « Mimétisme du mimosa » donne la mesure de la hau- teur qu’elle assigne à l’art. Poupée-gigogne cinématographique vertigineuse, « Futur Film » appréhende la narration au niveau auquel les meilleures productions hollywoodiennes comme « Mulholland Drive », « Inception » ou « Eyes Wide Shut » l’ont laissée, aux frontières de l’entendement autorisées par l’enter- tainment, mais les pulvérise dans les quatre dimensions de l’art post-duchampien.
« Épisode » inaugural de « Futur Film », l’installation « Mimétisme du mimosa » est la première exposition personnelle de Véronique Boudier à Paris depuis 2008, et sa première à la Galerie Christophe Gaillard. Révélée lors de l’exposition « L’hiver de l’amour » organisée par la revue Purple à l’ARC-Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 1994, Véronique Boudier est une artiste rare, importante, qui poursuit sa route sans souci de produire, si ce n’est de la pensée, de la pensée en formes.
Stéphane Corréard