29.05.2021 - 31.07.2021
De retour à Paris en 1930, il se lie avec Francis Gruber, puis André Marchand, Gertrude Stein, Francis Picabia, Ernest Hemingway, Alberto Giacometti, Balthus, Antonin Artaud, Tristan Tzara et Paul-Émile Victor. À partir de 1932, il est membre du groupe Forces nouvelles. En 1936, il proteste contre la guerre d’Espagne avec sa série des Massacres.
Mobilisé en 1939 à Saint-Germain-en-Laye puis à Ermenonville dans le service du camouflage, et démobilisé en 1940 à Montauban, Tal Coat gagne Aix-en-Provence avec André Marchand, ville où se sont réfugiés de nombreux artistes, notamment Charles-Albert Cingria et Blaise Cendrars. Il participe en 1941 à l’exposition des « Vingt jeunes peintres de tradition française » organisée par Jean Bazaine et expose à la galerie de France en 1943. Rentré à Paris en 1945 où il participe au premier Salon de Mai, il retourne l’année suivante à Aix, au Château Noir (remise de Paul Cézanne quand il peignait au Thoronet), où il fait bientôt la connaissance d’André Masson, du philosophe Henri Maldiney et du poète André du Bouchet qui demeureront ses intimes. Sa peinture devient alors non figurative.
Avec les artistes de la nouvelle École de Paris, la galerie de France (de 1943 à 1965), les galeries Maeght (de 1954 à 1974), Benador (de 1970 à 1980) puis la galerie H-M, la galerie Clivages et la galerie Berthet-Aittouarès exposent ensuite régulièrement sa peinture. En 1956, seize de ses peintures sont présentées à la Biennale de Venise avec celles de Jacques Villon et de Bernard Buffet. Aux côtés de Joan Miró et de Raoul Ubac, il collabore en 1963 aux réalisations de la Fondation Maeght par une mosaïque pour le mur d’entrée et reçoit en 1968 le grand prix national des arts. Une exposition rétrospective lui est consacrée au Grand
Palais à Paris en 1976. À partir de 1961, Tal Coat s’installe à la chartreuse de Dormont (Saint-Pierre-de-Bailleul), près de Vernon (Eure), en Normandie. Il y meurt en 1985.
Dans son immense atelier de Dormont, Tal Coat cherchait à trouver un accord organique entre la peinture et la nature. L’artiste regardait les traces dans la roche, il dessinait les sillons, les empreintes dans la terre, humide ou sèche. Il n’est pas étonnant qu’il ait souhaité expérimenter le plus possible différentes techniques, notamment de gravure. Au fil des saisons et de leurs impressions qui dominaient tour à tour son atelier, les couleurs jouaient aussi de ces alternances dans ses gravures, pointes-sèches et aquatintes.
Dans son immense atelier de Dormont (non loin de Giverny), Pierre Tal Coat (1905-1985) cherchait à trouver un accord organique entre la peinture et la nature, entre le matériau de sa peinture et le monde environnant. On sait aujourd’hui qu’il se documenta dans les traités les plus savants et qu’il mena loin ses recherches solitaires sur le matériau de la peinture à l’huile. Il broyait ses couleurs, il notait les réactions de la matière sous le couteau à palette, il guettait inlassablement l’évolution des tableaux en cours.
Cette attention extrême, Tal Coat la portait à ses gravures et à ses livres. Sa collaboration avec l’Atelier de Saint-Prex, en Suisse romande, lui permit de multiplier les essais, de corriger l’état et souvent dix états d’une gravure, même après en avoir donné le « Bon à tirer ». Si, parmi les épreuves, une gravure lui semblait meilleure que les autres, ce serait d’abord celle-là que Tal Coat reprendrait parce qu’il apercevait en elle comment aller au-delà, comment questionner encore une surface qu’il ne connaissait pas. Ouvrir ou combler une entaille, effacer ou rehausser le trait et modifier les encres. On pouvait dire « l’état final » seulement quand l’impression était menée à son terme…
Tal Coat regardait les traces dans la roche (passages de l’eau et inscriptions des hommes ou des bêtes), il dessinait les sillons, les traces, les empreintes dans la terre, humide ou sèche. Il n’est pas étonnant qu’il ait souhaité expérimenter le plus possible des différentes techniques (outils et supports) de la gravure. Et, tout comme le vert vif dominait l’atelier au printemps, comme venaient le jaune éclatant des colzas puis la paille des moissons et la cendre des chaumes, la couleur jouait de ces alternances dans les gravures, pointes-sèches et aquatintes.
C’est ainsi que le livre Laisses (Françoise Simecek éditeur, Lausanne, 1978) accorde des poèmes parmi les plus beaux d’André du Bouchet et des aquatintes colorées de Tal Coat. Entre les mots d’André du Bouchet, l’espace joue un rôle essentiel. Le blanc, l’air font respirer les poèmes et il faut parfois de grandes enjambées pour passer d’un fragment à un autre. Il faut dévaler une pente, prendre le temps de repérer une faille, un passage. Dans ce chef d’œuvre, la jonction entre typographie et aquatintes (couleurs) se fait d’abord par une trouvaille : la présence de bois gravés (noirs) qui arriment la typographie dans l’espace de la double page. Avec l’énergie du bois comme de la pierre..
Jean-Pascal Léger – Commissaire de l’exposition