Marina Gadonneix, diplômée de l’école nationale supérieure d’Arles, lauréate en 2006 du Prix HSBC des jeunes talents et en 2019 du célèbre prix Niépce, la photographe s’intéresse aux dispositifs de représentation et aux modes opératoires de simulation et d’exploration du réel tant dans l’univers médiatique que dans celui des sciences. Jouant de l’ambivalence entre fiction et documentaire, poésie visuelle et espace énigmatique, l’œuvre de Marina Gadonneix a fait l’objet d’importantes expositions en France et à l’étranger et figure dans nombre de collections privées et publiques. Séries, projets et recherches sont par ailleurs documentés dans des publications toujours « luxueuses ».
Extraits:
M-D : Victor Hugo : « la forme c’est le fond qui remonte à la surface » … peut-être qu’une grande partie de votre travail consiste à travailler en creux, au sens où vous portez attention à ce qui n’est pas là, mais à ce qui a présidé à ce qui est là…
M-G : « After image », projet plutôt que série… creux créé dans le volume absent,.. l’image était quand même là et ce creux faisait image… Question de la reproduction des œuvres d’art. Photographier les installations. « Dans ce qu’il reste », pourrait être un titre générique de tout mon travail… Comment faire image ? Creux entre le dispositif installé par le photographe et ce vide où on vient se projeter et imaginer l’œuvre qui est toujours nommée par sa légende quelque part dans l’espace. L’œuvre se crée dans ce volume absent, entre ce qui est représenté et ce que le spectateur va venir se représenter lui-même.
M-D : Intérêt pour le creux, le dispositif, les représentations du dispositif, pour les lieux de représentation… Ambivalence entre le documentaire et la fiction… là où se greffe la fictionnalité.
M-G : Question du décor, de la mise en scène… Ici mise en scène médiatique… redondance des écrans… mire et charte [de couleurs] que l’on va retrouver dans tout mon travail… axer sur le temps mort du moment télévisuel… mire de couleur envisagée, photographiée comme un paysage, comme un arc en ciel de couleur…prémisse avec cette distance entre la mire et la fictionnalité que l’on projette dans cet écran.
M-D : Comment « faire » un lieu fictionnel, une image « à l’envers » ? … Un paysage quasi fantasmagorique… couleurs ont à voir avec les temps, les espaces cinématographiques… en tant que matérialités de vos images fictionnelles.
M-G : La question du monochrome et de la couleur est très importante… Chaque projet débute par le réel, par la mise en scène - je n’aurais pas l’ambition de parler de documentaire car ce n’est pas exhaustif… Cette couleur unique (verte ou bleue)… sa fonction d’existence est d’être amenée à être effacée pour être remplacée par une autre image… « Landscapes - Blackout » est dans une fictionnalité narrative.
M-D : Cinéma, théâtre peinture : impressions de notre sensibilité - Travail du spectateur devant vos images - [celui] « de « déambulation mentale ».
M-G : On est l’image dans l’image… Je demande aussi au spectateur de « travailler », … de se plonger dans les images, dans cette déambulation et non pas dans la description.
M-D : Déambulation entre des expressions différentes… collaborations…
M-G : Le travail en collaboration avec des artistes qui ne travaillent pas forcément avec le même médium... Ce sont des moments d’échange… Je m’intéresse à l’espace d’exposition et à l’espace du livre.
M-D : Rencontres et collaborations avec des scientifiques qui inventent eux des fictions mais pour connaître et souvent pour maîtriser le réel…
M-G : Mise en scène de la catastrophe [puis] envie d’aller aussi vers la « merveille » … m’est apparu tout un univers scientifique... j’ai photographié des simulations: comment on s’approprie le réel ?… découverte d’une image... liste de phénomènes insaisissables… travail dans une distance… Il ne s’agissait pas de documenter la science au travail mais au contraire de s’en écarter… j’ai créé des images abstraites.
M-D : Phénomène pour faire comprendre : Paradoxe : rendre visible quelque chose qui est lui même phénoménal, c’est-à-dire merveilleux… Le merveilleux et le mystérieux.
M-G : Cyanomètre pour mesurer la couleur du bleu du ciel… dégradés de bleu dans l’espace de l’exposition - J’ai écrit des narrations pour chaque image pour que l’inattendu… le merveilleux apparaissent… [ textes écrits] en réelle collaboration avec les chercheurs… textes qui poussent à une forme de contemplation et aussi d’étonnement.
M-D : On ne sait plus ce qui est vrai, ce qui n’est pas vrai….On a besoin de savoir… on accepte de ne pas tout comprendre… [mais] vos images … ouvrent à penser que l’on comprend…
M-G : C’est important au départ de ne pas tout comprendre - comme un scientifique qui peut être parfois surpris par une erreur de calcul…. qui va amener vers un résultat, tel un artiste… la conceptualisation entre l’artiste et le scientifique est quasiment similaire…
M-D : Les grands scientifiques sont des artistes car ils acceptent le hasard… Dans le dérangement, l’œuvre propose, l’artiste l’accepte…
M-D : Des fonds comme lieux de connaissances – des strates géologiques… Du ciel au sol, du céleste au terrestre…. démarche [à partir] de la couleur et autour de la fictionnalité, du mystère, de l’énigme.
M-G : « on connaît moins notre planète que tout ce qui se passe autour » (Chercheur) - J’envisage la roche comme un livre, un livre qui nous raconterait l’histoire de notre terre, de nos vies, de notre présence. Dispositif photographique du scientifique : Éclats de roche très fines… projetées sur un mur … filtre polarisant passé devant la projection… on est dans l’apparition d’une couleur qui raconte une histoire … notre histoire.
M-D : Livre qui accompagne… et dépasse vos projets.
M-G : L’édition compte beaucoup pour moi, comme une forme alternative à l’exposition et à la fois chacun des projets serait comme une page ouverte sur soi, sur l’époque dans laquelle on vit, [ou] sur la tentative de compréhension de ce qui se passe autour de nous… de notre existence ici aujourd’hui.