Après une première exposition collective consacrée à la photographie conceptuelle japonaise des années 1970, la Galerie Christophe Gaillard est heureuse de présenter, pour deux expositions personnelles inédites en France depuis les années 1980, l’œuvre de Masafumi Maita et celle de Masaki Nakayama.
MAITA
Artiste pionnier de la scène conceptuelle japonaise des années 1970, Masafumi MAITA (1944 – 2009) imagine des dispositifs qui interrogent le rôle de l’image et les limites de la représentation du réel par la photographie. Maita joue des écarts et des variations entre le sujet naturel et contemplatif qu’il photographie, le réel qu’il enregistre (vues de forêts, de plages et de montagnes vierges de toute présence humaine) et l’opération sérielle et arbitraire qu’il répète sur l’image.
En 9 clichés, l’ensemble Flow (1976) le met ainsi en scène face à l’océan, placé au centre d’un rectangle tracé au sol, déclinant les étapes de la torsion méthodique d’une tige de plomb. Selon un protocole défini au préalable, l’œuvre propose une forme d’inventaire de gestes et de possibilités d’inscriptions du corps dans l’espace. La photographie enregistre et narre une performance : elle s’inscrit dans une temporalité nouvelle.
« L’essentiel de son œuvre est la conscience du temps » écrit le critique japonais Yusuke Nakahra. Avec la série Sans titre (1979) de paysages en noir et blanc marqués par la main de l’artiste, Maita accentue les phénomènes de décalages. Décalage entre le paysage et les formes géométriques simples, triangle, cercle et carré tracés en pointillés sur le négatif, entre la chose vue et le regard que nous portons sur elle. Décalage entre deux temporalités, celle du réel qui a été capturé et du geste, toujours actif, qui altère l’image.
Maita a développé ces recherches dans des installations, y introduisant des objets puis des sculptures, en dialogue avec ses photographies. « Dans l’espace, écrit Yusuke Nakahra, l’image photographiée et l’objet réel ont l’air de s’inscrire dans une continuité, mais on a l’impression de faire face à deux temporalités - l’une au présent, l’autre au passé. Les objets réels renvoient toujours au présent, l’image au passé. (…) Cette différence est décisive. En combinant la photo et les objets réels, l'artiste rend notre conscience du temps vivante. (…) C’est la différence entre la perception et la mémoire. L’artiste travaille en fait avec deux éléments : la perception et la mémoire[1]. »
NAKAYAMA
D’abord sculpteur travaillant le bois, Masaki NAKAYAMA (1945) n’a eu de cesse depuis les années 1970 d’associer dans ses installations l’action de son propre corps, son enregistrement par la photographie ou le dessin et leur confrontation à l’objet. Avec la grande série Body Scale, qu’il commence dans les années 1970 et qu’il continue de renouveler, Nakayama tente d’approcher le monde en prenant son corps comme échelle décisive. Usant d’un vocabulaire de formes géométriques simples et prenant le corps comme outil premier dans ses dispositifs, l’artiste japonais s’inscrit dans la lignée des figures majeures de la scène artistique internationale de sa génération, tels Bruce Naumann et ses Wall-Floor positions (1968) aux Etats-Unis ou Franz Erhard Walther en Allemagne dans les années 1960.
« Il y a plus de 40 ans que j'ai commencé mes travaux sur l'échelle corporelle, qui utilisent le corps humain a leur sujet. Bien que ces œuvres aient des sous-titres différents, le thème fondamental est resté inchangé et je continue à créer des œuvres sur ce thème aujourd'hui. Ces œuvres ne sont pas préoccupées par la structure ou la taille du corps humain, et ne sont pas non plus fondées sur une quelconque " théorie du corps " philosophique. Ce sont simplement des éléments qui ont été accessoires à un ensemble composite. (…) Par exemple, ce qui se trouve entre l'espace réel de mon corps actif et l'espace réel de ce qui est capturé dans mes photographies n'est pas une distance, mais l'écart entre des existences qui se chevauchent dans un espace à plusieurs couches. C'est ainsi qu'une relation mutuellement harmonieuse est née. C'est là que se trouve ma perspective. C'est, en d'autres termes, à ce concept d'espace multicouche de l'être humain que je me réfère avec mon titre « Body Scale[2] ». (Masaki Nakayama)
BIO
Masafumi MAITA (1944 – 2009) est né en Mandchourie (Chine), il a étudié à Paris (1971 – 1973) puis a vécu et travaillé au Japon. Photographe, il questionne et réinvente son medium, en dialogue avec l’objet puis la sculpture à partir des années 1970. Son œuvre a été exposée dans le monde entier, en particulier aux Biennales de Venise de 1976 et 1986. Ses œuvres sont conservées dans de nombreuses collections publiques notamment au Japon (The Utsukusi-ga-hara open-Air Museum, Nagano ; Open-Air Museum of Sculpture, Ube ; Museum of Modern Art, Kamakura ; Museum of Modern Art, Toyama ; Yokosuka Museum of Art, Kanagawa, etc.), en France (Centre National des Arts Plastiques, Paris ; Musée d’Art Moderne de la Ville, Paris ; Musée d’Art Moderne et Contemporain, Strasbourg ; Musée Cantini, Marseille ; FRAC Champagne-Ardenne), en Italie (MuSaBa, Parco Museo Santa Barbara, Mammola) et aux Etats-Unis (Museum of Fine Arts, Houston ; The State Foundation on Culture and the Arts, Hawaii).
Masaki NAKAYAMA est né en 1945 à Kofu au Japon, où il vit et travaille actuellement. Sculpteur de formation, Nakayama est diplômé de l’Ecole de Komagome à Tokyo. Dans ses installations et ses photographies, il utilise son propre corps comme échelle décisive de son travail. Ses œuvres ont principalement été exposées au Japon, en France, en Pologne et en République Tchèque. Elles sont conservées au Japon au Yamanashi Prefectural Museum of Art (Kofu), au Yokohama Civic Art Gallery (Kanagawa) ainsi qu’au Urawa Art Museum.
En collaboration avec Yumiko Chiba Associates (Tokyo, Japon).