Entrer dans l’œuvre de Daniel Pommereulle par le dialogue avec celles d’autres artistes, tel est le projet de cette nouvelle exposition à la Galerie Christophe Gaillard, conçue comme une invitation à se placer « dans l’œil de Daniel Pommereulle » pour pénétrer le secret de son œuvre, tenter de voir à travers ses yeux et, peut-être, approcher ce qu’il appelait son « moi-même mental ».
Dès ses premières années, Daniel Pommereulle cherche à multiplier ses facultés de conscience et de perception. Il a très tôt saisi combien la pratique artistique permet de se connaître soi-même et combien l’art est un moyen d’émanciper l’esprit. « Il me faudrait 666 yeux supplémentaires » écrit-il à l’âge de vingt-cinq ans. Soixante ans après, cette exposition collective propose de lui répondre librement. La liste des artistes présent(e)s dans la galerie est à prendre comme le fragment d’une recherche en cours, nécessairement parcellaire ; leurs parentés, qu’elles soient réelles, historiques ou simplement intuitives, sont le fruit d’une réflexion personnelle..
En suivant le parcours singulier de l’œuvre de Daniel Pommereulle, l’ensemble des artistes réuni(e)s dans l’espace de la galerie dessine une nouvelle constellation. Du paysage marocain peint à l’aquarelle par Eugène Delacroix au dessin de comète de Max Ernst, de l’objet acéré de Jean-Pierre Raynaud aux sculptures très contemporaines de David Douard, des rayogrammes de Man Ray aux performances aériennes de Marie-Luce Nadal, l’on voudrait que ces œuvres s’allument de reflets réciproques comme une virtuelle traînée de feux sur des pierreries (1) et révèlent ainsi la richesse et l’actualité de l’œuvre de Daniel Pommereulle, majeure dans l’histoire de l’art français de la seconde moitié du XXe siècle et encore injustement méconnue.
[1] Stéphane Mallarmé, Divagations, « Crise de vers », 1897.
L’aventure vitale et artistique de Daniel Pommereulle (1937-2003), peintre, sculpteur, cinéaste, performeur et poète français, est singulière. Associé aux « Objecteurs » par Alain Jouffroy en 1965, lié aux acteurs majeurs de la scène artistique et intellectuelle européenne de son temps, Daniel Pommereulle a tracé sa propre route. Dans la multiplication des formes, il invente une esthétique de la violence et de la cruauté, marquée par son expérience douloureuse de la guerre d’Algérie autant que par l’héritage du surréalisme et la pensée d’Antonin Artaud. Connu pour son rôle de dandy dans le film d’Eric Rohmer La Collectionneuse (1967), il y présente son premier objet cerclé de lames qui donnera la fameuse série des Objets de prémonition (1974-1975). À partir des années 1980, Daniel Pommereulle forge une sculpture nouvelle, «éloge et martyre du verre» (Philippe Dagen), usant de tous les pouvoirs de la matière pour allier le tranchant à la douceur, le calme au vertige. Deux grandes expositions de son vivant (« Fin de siècle » au C.N.A.C. Georges-Pompidou en 1975 et la rétrospective des musées de Dole et de Belfort en 1991) participent de l’aura croissante de son œuvre, l’une des plus importantes de la seconde moitié du XXème siècle en France, qui reste malgré tout encore secrète et méconnue. Artiste de la limite, résolument avant-gardiste, Daniel Pommereulle a également réalisé deux films (One more time en 1968 et Vite en 1969).
Armance Léger est chercheuse doctorante à l’Ecole normale supérieure en histoire et théorie des arts modernes et contemporains et prépare une thèse monographique sur l’œuvre de Daniel Pommereulle. Elle travaille à l’élaboration du catalogue raisonné de l’œuvre peint, dessiné et sculpté de Daniel Pommereulle avec le soutien de la fille de l’artiste. Elle collabore depuis 2016 avec la Galerie Christophe Gaillard en tant que responsable de la recherche, de la documentation et des estates de Daniel Pommereulle et Michel Journiac.
Christophe Gaillard, Armance Léger et toute l’équipe de la Galerie remercient chaleureusement pour leur collaboration: les galeries: Galerie 1900-2000, Galerie Chantal Crousel, Galerie De Bayser, Galerie ETC, Galerie Laurentin, Galerie Lelong & Co, Galerie Loeve & Co, Galerie Malingue, Galerie Eva Meyer, Galerie Papillon, Galerie Perrotin, Galerie Rabouan Moussion, Ubu Gallery, Galerie Bob Vallois, Galerie Xippas; la Collection Thessa Herold, la Fondation Giacometti, le Fonds de dotation Jean-Jacques Lebel. Nous remercions tout particulièrement les artistes et l’ensemble des collectionneurs privés qui ont bien voulu se séparer de leurs œuvres le temps de l’exposition.