Daniel CORDIER
Avec des œuvres de :
Gianfranco Baruchello (IT, 1924)
Pierre Bettencourt (FR, 1917-2006)
Julius Bissier (DE, 1893-1965)
Aristide Caillaud (FR, 1902-1990)
Dado (ME, 1933-2010)
Eugène Gabritschevsky (RU, 1893-1979)
Oyvind Fahlström (BR, 1928-1976)
Michel Lablais (FR, 1925-2017)
Roberto Matta (CL, 1911-2002)
Henri Pfeiffer (DE/FR, 1907-1994)
Bernard Réquichot (FR, 1929-1961)
Manuel Rivera (ES, 1927-1995)
Bernard Schultze (DE, 1915-2005)
Ursula Schultze-Bluhm (DE, 1921-1999)
Kopac Slavsko (HR, 1913-1995)
Claude Viseux (FR, 1927-2008)
« Les relations que j’ai entretenues depuis quarante-cinq ans avec les œuvres d’art appartiennent plus à ma vie intime qu’à ma vie publique. Elles participent, pour moi, au secret des profondeurs. »
Daniel Cordier, lettre à Alfred Pacquement, 1989
Ancien résistant, secrétaire de Jean Moulin, l’un des galeristes parisiens les plus actifs de l’après-guerre, collectionneur fiévreux, grand amateur d’art et ami des artistes, donateur et mécène important du Musée national d’art moderne, historien, auteur de nombreux livres, Daniel Cordier est décédé à l’âge de 100 ans le 20 décembre 2020. Il laisse aujourd’hui un héritage exceptionnel: la singularité de son parcours intellectuel et l’immense collection qu’il a constituée au fil des années ont façonné l’histoire de l’art de la seconde moitié du XXe siècle.
Daniel Cordier est né à Bordeaux dans une famille de négociants aisés. Maurassien dans sa jeunesse, militant pour l’Action Française, il refuse la collaboration du Maréchal Pétain et fait partie des premiers à s’engager aux côtés du Général de Gaulle dans la Résistance contre le nazisme. En 1943, il est nommé secrétaire de Jean Moulin, qui opère alors sous couverture dans une galerie d’art moderne de Nice et l’initie à l’art. Grâce à lui, il découvre Delacroix, Renoir, Picasso, Soutine,… Après la Libération, Daniel Cordier se retire de la politique et se consacre plusieurs années à la peinture. Vite, il se met aussi à acquérir quantité de toiles de Jean Dewasne, Nicolas de Staël puis Roberto Matta, Hans Hartung, Chaïm Soutine ou encore Georges Braque. Il devient selon son expression « collectionneur et peintre ».
En 1956, il ouvre sa première galerie dans le huitième arrondissement de Paris. Ses amitiés avec Henri Michaux et Jean Dubuffet aiguisent son regard et forgent son goût. Il défend une ligne originale et fait découvrir au public les œuvres d’artistes alors souvent inconnus et marginaux parmi lesquels Bernard Réquichot, Oyvind Fahlström, Enrico Baj, Bernard Schultze, Ursula Schultze-Bluhm, Fred Deux, Eugène Gabritschevsky, Pierre Bettencourt, Dado, Hans Bellmer… Proche du surréalisme, il donne carte blanche à André Breton dans sa galerie en 1959. Il compte encore parmi l’un des premiers marchands à montrer les œuvres d’Américains comme Louise Nevelson, Robert Rauschenberg et Jasper Johns en France. Son attrait pour les Etats-Unis le conduit à New-York, où il ouvre une deuxième galerie. Mais il annonce en 1964 qu’il « prend congé » pour fermer définitivement sa galerie et se consacrer à sa passion pour « l’art vivant », loin du marché, de ses contraintes et de la crise financière qui le frappe. Il entame son grand travail de recherche et de vérité historique sur Jean Moulin et les années de la guerre.
En 1973, il entre à la commission d’achats du Musée national d’art moderne. Débute alors sa carrière de grand mécène et de donateur militant. Pendant des années, il achète des œuvres pour enrichir les collections du Centre Pompidou. Il acquiert par exemple dans les années 1970 des œuvres de Simon Hantaï, Claude Viallat, François Rouan, Jean-Michel Meurice, Jean-Pierre Raynaud, Jean Le Gac ou Titus Carmel. Au total, Daniel Cordier a donné 1356 œuvres au Centre Pompidou, dont la plupart sont actuellement en dépôt au musée des Abattoirs de Toulouse. Plusieurs expositions hommages lui ont été consacrées. Parallèlement, il amasse une formidable collection hétéroclite d’objets : pierres de rêves chinoises, racines, ossements, fétiches, totems, silex, monnaies de mariage venant du Zaïre, masques, pierres précieuses...
Ce qu’il n’a pas donné au musée, Daniel Cordier l’a conservé pour sa passion privée. La maison de vente Sotheby’s a ensuite organisé deux ventes importantes des œuvres de la collection. En 2022, la galerie Christophe Gaillard a réussi l’ambitieux projet d’acquérir ce qui subsistait de cet ensemble rare, poursuivant ainsi la mission qu’elle s’est donnée de faire redécouvrir au public contemporain les œuvres d’artistes historiques.
Constitué de plus de 2000 éléments, le fonds de la collection Cordier sera présenté à la galerie tout au long des deux années à venir, au rythme d’expositions personnelles consacrées à Bernard Réquichot, Bernard Schultze, Ursula Schultze-Bluhm, Eugène Gabritschevsky, Dado ou encore Pierre Bettencourt… Elles seront l’occasion de revenir sur la figure extraordinaire de celui qui les a rassemblées et tenter de comprendre la cohérence de son goût pour un art que l’on a souvent qualifié d’organique, d’érotique ou de primitif, marqué notamment par le surréalisme et l’art brut. Reflet de la sensibilité et de la pluralité des choix de Daniel Cordier, cette première exposition collective inaugure un cycle : elle nous fait pénétrer dans le secret du galeriste et du collectionneur.