A l’heure de l’apogée du Metaverse, espace dans lequel les protagonistes peuvent évoluer dans un « autre monde » entièrement virtuel, il m’a semblé pertinent de montrer, sans critiquer, que la peinture offre déjà depuis des millénaires un espace hors du monde, complexe, dérégulé, autonome avec ses signes propres.
Si la version bêta d’un logiciel est une espèce de prototype non finie, celle avant la version meta, finie et parfaite, alors la peinture pourrait être envisagée comme une version meta du monde, le lieu où s’engagent les intuitions, les désirs à l’état brut, une surface pleine de bugs comme un hymne aux doutes, aux possibles et aux rêves.
Pour faire écho à cet énoncé j’ai peint des habitations anarchiques, des cabanes qui sont des lieux ayant réellement existé. Les habitants de ces constructions singulières rêvaient d’autonomie, d’un monde hors du monde. Par leur démarche ils rejouent la dualité de la carte contre le territoire. Le vivant est cartographié et pourtant le territoire réel regorge toujours de « planques ».
Cette exposition sera une ode au monde réel comme la peinture est une ode à la physicalité des rêves. J’écrivais il y a quelques années qu’un cm2 de tapis vieilli par le temps sera toujours plus complexe et intéressant que 1000 m2 de pixels. Il y a dans le réel des abîmes insondables. A la fin du film « Don’t look up » un des protagonistes dit avant d’être écrasé par une météorite: « en fait nous avions tout pour être heureux ». Je crois qu’à la possibilité d’un monde Meta expansif et virtuel il faut opposer un réel « déjà là », poétique et utopiste.
Cette exposition présentera aussi trois pièces intitulées « tout l’univers ». Ces toiles reprendront le titre et la typographie de la célèbre encyclopédie qui trônait de toute sa lourdeur dans les foyers avant l’apparition d’internet. Une sorte d’internet avant internet en somme, une tentative illustrée d’embrasser l’entièreté du savoir de l’humanité sur une étagère solide. C’est personnellement un souvenir très fort, j’ai passé des années à recopier les images souvent désuètes qui illustraient les différents volumes.
J’ai le sentiment intime qu’il faut toujours remercier ou rendre hommage à un monde qui disparaît. Avec ces toiles rouges « tout l’univers » qui sont en fait des vanités et les toiles de cabanes, fruits d’un rêve d’autonomie de quelques- uns, j’essaye de rendre hommage au réel, de lui signifier qu’il sera toujours notre monde, quoi qu’on nous raconte.
Bienvenu dans le Bêtaverse, vous y trouverez tout l’univers, dans ce qu’il est contenu en lui même, simple, complexe et fini, comme un tableau.
Julien des Monstiers.
Julien Des Monstiers (né en 1983) est diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris (atelier Jean-Michel Alberola). Il est lauréat de nombreux prix dont: le Prix de peinture de la Fondation Simone et Cino Del Duca en 2022 et le Prix Cardin (catégorie peinture) en 2019.
Lors de ces dernières années, Des Monstiers a eu des expositions personnelles à la Galerie Christophe Gaillard (Paris, FR) ; à la Galerie Municipale Julio Gonzalez (Arcueil, FR) ; à la Maison des Arts Yishu8 (Beijin, CH) ; à la Galerie d’Art Contemporain (Créteil, FR) ou encore au Musée Bernard Boesch (La Baule / le Pouliguen, FR). Son travail a également été présenté dans des expositions collectives: à la Galerie Dilecta (Paris, FR) ; à la Fondation du Doute (Blois, FR) ; à la Collection Lambert en Avignon - Musée d’Art contemporain (Avignon, FR) ; à l’IAC - Institut d’Art Contemporain (Villeurbanne, FR) ; au Palais de Tokyo (Paris, (FR) et au Centre d’Art les Passerelles (Pontault Combault, FR).
Ses oeuvres sont présentes dans des collections prestigieuses telles que la Collection d’Art - Société Générale (Paris, FR) ; la Collection VR D’Affaux (Paris, FR), ainsi que des collections privées en Europe, aux Etats-Unis et en Asie.