Avant tout, disons-le de suite, rien ne prédisposait à rapprocher une sélection d’œuvres d’art premier des tableaux de Pierre Tal Coat.
À l'évocation de ce terme d’ « art premier », on penserait plus immédiatement que je fais allusion à l’art préhistorique ou à l’art celtique – référence juste et communément admise. Cependant c’est bien aux arts issus de l'Afrique noire ou du bassin océanien qu’il me semble plus stimulant de confronter les « croûtes » et les pâtes de l’artiste breton. Confrontation d'autant plus pertinente que de très nombreux collectionneurs de Tal Coat sont aussi collectionneurs d’art premier, comme si un lien invisible les unissait. Bien que purement subjectif, intuitif et de l’ordre du sensible, ce rapprochement cherche à faire émerger ce qu'il y a de profond, de caché, d'enseveli.
Aussi, lorsqu’au détour d’une lecture je découvris le qualificatif « d’art du lointain » auquel a eu recours Félix Fénéon pour désigner ces œuvres venues d’ailleurs, j’y ai vu tout de suite une piste. Piste qui me semblait confirmée par le fait que face aux tableaux qui surgissent vers nous quand nous les regardons, me semble sourdre une même énergie lointaine, ensevelie.
Pensons par exemple aux sculptures Boli qui sont considérées chez les Bambaras et Malinkés du Mali comme un être vivant et contenant en leur sein un noyau ou un « grain » qui symbolise l'énergie vitale. Comment ne pas songer à la réponse de Tal Coat à la question que lui posait Jean-Pascal Léger lors de leurs entretiens ?
« - Mais les grains qui apparaissent dans la peinture, de quoi sont-ils faits ?
- Ils surgissent par tension superficielle. Ils sont l’indice d’un travail intérieur et d’une disposition de structure qui fait cette lecture spéciale et le côté suspendu de cette peinture... Ils surgissent. »
Les recouvrements successifs que Tal Coat fait subir à ses œuvres ne peuvent-ils évoquer cette patine acquise au fur et à mesure des utilisations rituelles auxquelles sont sujettes les sculptures ? Ainsi les peintures, notamment les plus petites d'entre elles, finissent-elles par ressembler à des talismans, porteuses d’un pouvoir, d’une force « magique ».
Ou bien peut-être sont-elles des sortes de mandalas qui nous renvoient non pas au spectacle du monde mais bien plutôt au centre du monde.
Sorte de géographie cosmogonique ? Comment par exemple ne pas être tenté de rapprocher la cosmogonie des Aborigènes d'Australie – qui repose sur la notion de « Temps du rêve » (Tjukurpa) dans lequel les ancêtres surnaturels (comme le Serpent Arc-en-ciel ou les Hommes Éclairs) créèrent le monde par leurs déplacements et leurs actions – et la marche même de Tal Coat arpentant inlassablement les champs et la terre ? « Il puisait son énergie, sa cadence, ses silences et sa sauvagerie autant dans l’évocation de ses marches dans la campagne ou des lumières de l’Océan que dans la Rencontre des hommes et de la peinture » écrit Jean-Pascal Léger à propos de Tal Coat.
Comment ne pas voir d’analogie entre les pigments, les pâtes que prépare l’artiste lui-même en alchimiste dans le secret de son atelier et les ocres et charbons traditionnels utilisés par les aborigènes pour rendre visible leur cosmogonie et leurs « rêves » ?
« Je dirais volontiers que Tal Coat est un seigneur de la terre et de l’espace, lui qui les arpente, l’argile et la poussière aux pieds, mais attentif, à cette lueur au loin, métallique et pure comme un chant d’alouette, à ce reflet de la flaque d’eau dans le sillon qui hésite entre la terre verte et le violet de mars ; lui qui sait voir naître dans la poussière beige du terrain en friche le vert fabuleux des premières pousses du printemps… » (Charles Estienne).
Christophe Gaillard
De ses débuts figuratifs et expressionnistes à l’audace des toiles abstraites de sa maturité, Tal Coat a travaillé à restituer l’accord profond entre la peinture et la nature, par l’espace, la matière, la lumière et la couleur de ses tableaux, une recherche picturale admirée des plus grands artistes et poètes du vingtième siècle.
L’œuvre de Tal Coat a été montrée dans les plus grands musées ainsi qu’aux Documenta de Kassel I et II, à la Biennale de Venise, au Grand Palais à Paris et à la Biennale internationale de Sao Paulo. Elle est conservée notamment en France au Musée National d’Art Moderne-Centre Georges Pompidou, au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, au Musée Granet à Aix-en-Provence, au Musée Picasso d’Antibes, au Musée Cantini à Marseille, à la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence et à l’étranger dans les Musées royaux de Belgique, au Musée des Beaux-Arts de Mons ou encore au Museum of Modern Art de New York, au Whitney Museum de New York... Un espace lui est également entièrement dédié au Domaine de Kerguéhennec en Bretagne
À l'évocation de ce terme d’ « art premier », on penserait plus immédiatement que je fais allusion à l’art préhistorique ou à l’art celtique – référence juste et communément admise. Cependant c’est bien aux arts issus de l'Afrique noire ou du bassin océanien qu’il me semble plus stimulant de confronter les « croûtes » et les pâtes de l’artiste breton. Confrontation d'autant plus pertinente que de très nombreux collectionneurs de Tal Coat sont aussi collectionneurs d’art premier, comme si un lien invisible les unissait. Bien que purement subjectif, intuitif et de l’ordre du sensible, ce rapprochement cherche à faire émerger ce qu'il y a de profond, de caché, d'enseveli.
Aussi, lorsqu’au détour d’une lecture je découvris le qualificatif « d’art du lointain » auquel a eu recours Félix Fénéon pour désigner ces œuvres venues d’ailleurs, j’y ai vu tout de suite une piste. Piste qui me semblait confirmée par le fait que face aux tableaux qui surgissent vers nous quand nous les regardons, me semble sourdre une même énergie lointaine, ensevelie.
Pensons par exemple aux sculptures Boli qui sont considérées chez les Bambaras et Malinkés du Mali comme un être vivant et contenant en leur sein un noyau ou un « grain » qui symbolise l'énergie vitale. Comment ne pas songer à la réponse de Tal Coat à la question que lui posait Jean-Pascal Léger lors de leurs entretiens ?
« - Mais les grains qui apparaissent dans la peinture, de quoi sont-ils faits ?
- Ils surgissent par tension superficielle. Ils sont l’indice d’un travail intérieur et d’une disposition de structure qui fait cette lecture spéciale et le côté suspendu de cette peinture... Ils surgissent. »
Les recouvrements successifs que Tal Coat fait subir à ses œuvres ne peuvent-ils évoquer cette patine acquise au fur et à mesure des utilisations rituelles auxquelles sont sujettes les sculptures ? Ainsi les peintures, notamment les plus petites d'entre elles, finissent-elles par ressembler à des talismans, porteuses d’un pouvoir, d’une force « magique ».
Ou bien peut-être sont-elles des sortes de mandalas qui nous renvoient non pas au spectacle du monde mais bien plutôt au centre du monde.
Sorte de géographie cosmogonique ? Comment par exemple ne pas être tenté de rapprocher la cosmogonie des Aborigènes d'Australie – qui repose sur la notion de « Temps du rêve » (Tjukurpa) dans lequel les ancêtres surnaturels (comme le Serpent Arc-en-ciel ou les Hommes Éclairs) créèrent le monde par leurs déplacements et leurs actions – et la marche même de Tal Coat arpentant inlassablement les champs et la terre ? « Il puisait son énergie, sa cadence, ses silences et sa sauvagerie autant dans l’évocation de ses marches dans la campagne ou des lumières de l’Océan que dans la Rencontre des hommes et de la peinture » écrit Jean-Pascal Léger à propos de Tal Coat.
Comment ne pas voir d’analogie entre les pigments, les pâtes que prépare l’artiste lui-même en alchimiste dans le secret de son atelier et les ocres et charbons traditionnels utilisés par les aborigènes pour rendre visible leur cosmogonie et leurs « rêves » ?
« Je dirais volontiers que Tal Coat est un seigneur de la terre et de l’espace, lui qui les arpente, l’argile et la poussière aux pieds, mais attentif, à cette lueur au loin, métallique et pure comme un chant d’alouette, à ce reflet de la flaque d’eau dans le sillon qui hésite entre la terre verte et le violet de mars ; lui qui sait voir naître dans la poussière beige du terrain en friche le vert fabuleux des premières pousses du printemps… » (Charles Estienne).
Christophe Gaillard
De ses débuts figuratifs et expressionnistes à l’audace des toiles abstraites de sa maturité, Tal Coat a travaillé à restituer l’accord profond entre la peinture et la nature, par l’espace, la matière, la lumière et la couleur de ses tableaux, une recherche picturale admirée des plus grands artistes et poètes du vingtième siècle.
L’œuvre de Tal Coat a été montrée dans les plus grands musées ainsi qu’aux Documenta de Kassel I et II, à la Biennale de Venise, au Grand Palais à Paris et à la Biennale internationale de Sao Paulo. Elle est conservée notamment en France au Musée National d’Art Moderne-Centre Georges Pompidou, au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, au Musée Granet à Aix-en-Provence, au Musée Picasso d’Antibes, au Musée Cantini à Marseille, à la Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence et à l’étranger dans les Musées royaux de Belgique, au Musée des Beaux-Arts de Mons ou encore au Museum of Modern Art de New York, au Whitney Museum de New York... Un espace lui est également entièrement dédié au Domaine de Kerguéhennec en Bretagne