À la faveur de sa troisième exposition personnelle à la Galerie Christophe Gaillard, Rachel de Joode poursuit sa réflexion, avec un enthousiasme communicatif, sur l’œuvre d’art à l’ère du numérique et les rapports entre photographie, sculpture, peinture et espace d’exposition.
Pour nous, elle invente un univers où la confusion domine : confusion sur la nature des matériaux utilisés – est-ce peint, imprimé, modelé ? –, sur les textures – est-ce lisse, troué, rugueux ? –, sur le volume – est-ce en deux ou trois dimensions ? – mais aussi sur la multitude de références qu’elle agrège de manière jubilatoire – à la peinture classique, au surréalisme, à l’expressionnisme abstrait, à l’art conceptuel ou encore au Pop Art. Car Rachel de Joode expérimente la création à la manière d’un jeu. Tout autant le jeu de l’enfant que le jeu de l’acteur grâce auxquels le matériau, l’œuvre, l’artiste et même la galerie, se transforment, se métamorphosent et se renouvellent. Cette approche ludique, héritée de la subversion dadaïste à laquelle elle se dit attachée, est étroitement liée au collage, au cœur de son travail. Le collage effectué sur son ordinateur puis imprimé et augmenté d’autres gestes (percements, coups de pinceau, encadrement ou accrochage) renvoie, ainsi actualisé, aux écrans et au flot des images qu’ils encouragent jusqu’au vertige.
À la galerie Christophe Gaillard, Rachel de Joode fait fi du white cube comme espace neutre (dont la critique a été formalisée dès 1976 par Brian O’Doherty dans un essai resté célèbre) en l’intégrant pleinement aux œuvres. Ainsi, les murs de la galerie sont envahis par de nouvelles « peintures digitales », celles de grand format dotées de bords irréguliers qui s’échappent du cadre, mais aussi celles perforées et badigeonnées, sans oublier les pièces en relief – clins d’œil à Frank Stella –, également trouées, présentées sur un fond de papier peint imaginé pour l’exposition. Enfin, selon un mouvement contraire, transposé dans l’espace virtuel, l’artiste invente des entités parallèles et animées, avec un ensemble de pendants NFT, une « activation », pour reprendre un mot qui lui est cher, des œuvres exposées.
Camille Viéville, septembre 2022
RACHEL DE JOODE: Even a Painting Needs a Friend
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