La Galerie Christophe Gaillard est heureuse de présenter pour la première fois dans ses murs l’œuvre de Georges Noël, avec le soutien de Margit Rowell et de la famille de l’artiste.
En regardant un ensemble de tableaux de Georges Noël
Commencer par relire le premier livre des Métamorphoses d’Ovide :
« Avant que n'existent la mer, la terre et le ciel qui couvre tout, la nature dans l'univers entier ne présentait qu'un seul aspect, que l'on nomma Chaos. C'était une masse grossière et confuse, rien d'autre qu'un amas inerte, un entassement de semences de choses, d'éléments divisés et mal joints. Jusqu'alors, nul Titan ne dispensait au monde sa lumière, [...] Il y avait là bien sûr la terre, la mer et l'air, mais la terre était instable, l'onde non navigable, et l'air sans lumière. Rien ne gardait sa forme propre, et les éléments se gênaient entre eux. Dans un même corps luttaient le froid et le chaud, l'humide et le sec, le mou et le dur, le lourd et ce qui était sans poids. »
Du chaos, faire surgir des ordonnancements, chercher les systèmes les plus secrets.
À partir des forces telluriques primaires (voir Magma Originel, 1958 et Gavrinis, 1990), au travers de codex inventés (Rosetta Stone, 1964) ou de dispositifs magiques (The Magic Window, 1963), l’œuvre de Georges Noël dessine une nouvelle cosmogonie.
Panser-Penser le désordre.
Suturer-Saturer la béance originelle.
Comme Bach, qui unissait par les quatre lettres de son nom l’une des compositions musicales les plus abouties, le peintre réconcilie les éléments par un ordre chiffré et auto-générateur.
Et si l'œuvre toute entière de Georges Noël n'était qu'une autre tentative d’exprimer ce que Mallarmé dit dans son célèbre vers : « Un coup de dés jamais n’abolira le hasard ? »
Le philosophe Quentin Meillassoux en avait livré une brillante proposition de déchiffrage : c’est l'œuvre d'un Chaman en lien avec les forces obscures et cachées, avide de nous transmettre et de retranscrire l'équilibre premier.
Christophe Gaillard, mai 2023
Proche de l'art informel, de la peinture gestuelle et de l’abstraction lyrique, Georges Noël (1924-2010) a toujours préservé son indépendance. Figure importante de la scène européenne dès les années 1960, il quitte la France pour les Etats-Unis (1968-1983). Depuis ses débuts, Noël multiplie les expériences techniques et invente un nouveau support, qu’il nomme son « magma » pictural.
« J’essaie de retrouver l’univers à travers moi. Sortir du centre, aller là-bas, revenir là. Cela récréait en moi l’énigme de l’individu pensant, respirant, entendant, sentant, touchant. J’étais comme un alchimiste dans son laboratoire[1] » confie l’artiste à l’écrivain Michel Butor.
Le matériau qu’il invente est un mélange d’acétate de polyvinyle, une colle particulièrement résistante après séchage, de sable ou de silex broyé, et de pigments purs. Il travaille cette matière singulière dans l’épaisseur de couches successives colorées dont la texture brute, granuleuse ou veloutée, accroche l’œil et appelle la main. Sa technique est aussi savante que son geste est rapide. Incisions, graffitis, écritures, superpositions, arrachements… révèlent les strates primitives de l’œuvre et portent l’empreinte de sa fascination pour les cultures préhistoriques, archaïques et tribales.
La portée historique de l’œuvre peinte, dessinée et sculptée de Georges Noël est majeure : elle a été défendue par la Galerie Paul Facchetti dès 1957 puis à New York par la Pace Gallery et la Gallery Arnold Herstand à partir de 1973. De retour en France (1983), il prépare une exposition importante à l’Abbaye de Senanque et une rétrospective au C.N.A.P. à Paris (1985). L’évolution de sa peinture montre une synthèse entre la gestualité de ses débuts et une structure sous-jacente mise en place pendant sa période américaine. À partir de ces années-là, il expose régulièrement à Paris, en Italie, en Allemagne et au Japon où son œuvre est particulièrement appréciée.
Les œuvres de Georges Noël sont aujourd’hui conservées dans le monde entier. Elles se trouvent notamment en France au Musée National d’Art Moderne/Centre Georges Pompidou, au Musée National de la Ville de Paris et à la Pinault Collection ou encore au Musée d’arts de Nantes, au Musée des Beaux-Arts de Pau ainsi que dans de prestigieuses collections étrangères comme à la Neue Nationalgalerie de Berlin, au Metropolitan Museum of Art et au Solomon R. Guggenheim Museum de New York ou encore par exemple à l’Ise Cultural Foundation de Tokyo.