GEORGES NOËL / JEAN DUBUFFET

5 Octobre - 2 Novembre 2024 Paris / Main space
La Galerie Christophe Gaillard est heureuse de présenter à Paris une seconde exposition consacrée à l’œuvre de Georges Noël, qu’elle représente en France depuis 2022 avec le soutien de Margit Rowell et de la famille de l’artiste.
 
Pour célébrer le centenaire de la naissance de l’artiste, la galerie propose un rapprochement aussi évident qu’inédit puisqu’elle réunit une vingtaine de tableaux de Georges Noël, exposés en regard de dix œuvres historiques du peintre Jean Dubuffet, prêtées exceptionnellement par la Fondation Dubuffet à Paris.
 
Conçu de façon intuitive, le parcours de l’exposition se décline en quatre temps, autorisant certains télescopages chronologiques, tout en rappelant l’ancrage historique de ce dialogue : Georges Noël a inventé son propre langage pictural dans la confrontation avec celui de Jean Dubuffet.
 
En 1956, Georges Noël installe son premier atelier parisien au 89, rue de Vaugirard, dans l’appartement de Sibyle Boffard, une amie de Jean Dubuffet chez qui sont accrochés certains tableaux du fondateur de l’art burt. La rencontre avec l’œuvre de Dubuffet est décisive dans le cheminement personnel du jeune peintre qui s’y mesure d’abord par ce qu’il nomme « des exercices de style ». Vite, Georges Noël reconnaît que Jean Dubuffet « a tout compris » car « son véhicule, [c’est] la matière » 1 . Ainsi commencent ses recherches sur le medium, au début par les seuls moyens de la peinture puis par l’invention d’une technique et d’une matérialité singulières à ses tableaux, un mélange d’acétate de polyvinyle (une colle particulièrement résistante après séchage), de sable ou de silex broyé et de pigments purs, qu’il nomme bientôt son « magma » pictural.
 
Le propos de cette exposition n’est pas seulement de montrer l’influence de Jean Dubuffet sur Georges Noël, de 23 ans son aîné, mais surtout de créer librement des rapports originaux entre leurs œuvres afin d’en renouveler notre perception comme les discours critiques qui les accompagnent.
 
Spontanément, c’est à la série de lithographies des Murs (que Dubuffet réalise en 1950 pour illustrer les textes poétiques de Guillevic) que nous avons voulu conjuguer certaines œuvres sur toile et sur papier de Georges Noël : pour observer leur rapport au signe incisé dans la matière, à l’écriture, au graffiti. Ce que Noël appelle « l’énergie magique de l’écriture » apparue dans ses expérimentations sur la matière dès 1956, ce geste automatique qui semble remonter aux origines de l’écriture et de l’inconscient, pour rejoindre l’art pariétal. Au cœur de l’exposition, un Grand palimpseste très ancien (1959), une huile sur toile de deux mètres par deux, autour de laquelle s’articule l’ensemble de l’accrochage. Saturé de signes, l’espace du tableau crée un « palimpseste » ; l’épaisseur de la peinture est aussi celle du temps et de la mémoire.
 
Le deuxième moment du parcours imaginé dans la galerie met ainsi en correspondance des peintures très en matière de la première période parisienne de Georges Noël (dont Sans titre, huile et pâte sur papier, 1956 ; Palimpseste, émulsions et huiles sur toile, 1957 ; Palimpseste organique, émulsions, huiles et pigments sur toile, 1958 ; Accumulations de signes, huile sur toile, 1959) et l’œuvre figurative que Jean Dubuffet conçoit en 1952, où les formes se découpent dans une matière en prolifération, épaisse, en relief. Des comparaisons quasi contemporaines aux rapprochements anachroniques, l’exposition associe encore les Texturologies et les Phénomènes du Sol (1957- 1958) de Dubuffet aux Nuits et aux Cosmogonies (1980-1996) de Noël. Selon un renversement temporel et spatial enthousiasmant, leurs œuvres s’accordent encore singulièrement.
 
Le parcours de l’exposition s’achève dans un espace ouvert où les Non lieux que crée Dubuffet au milieu des années 1980 rejoignent les lignes mouvantes et sinueuses des premières peintures de Noël (comme avec l’œuvre Sans titre, technique mixte sur papier, 1957 et le Palimpseste organique, huile sur toile, 1957) jusqu’à la dissolution de l’espace pictural dans ses œuvres en trois dimensions des années 1980 (tel Bouclier, acétate de polyvinyle, sable, pigments, ficelle, métal sur bois, 1983). Ici, le rapprochement entre les deux peintres n’est plus simplement formel: il prend une tonalité métaphysique.
 
Armance Léger
 

(1) Les citations sont extraites d’un entretien inédit de Georges Noël avec son assistante Ezter Gyarmathy, réalisé au milieu des années 1980 (Archives Georges Noël)