VERNISSAGE LE MERCREDI 5 FÉVRIER, 18H-20H
« Comment voulez-vous que je vous parle de mon rapport à la nature, puisque je suis dedans[1] ! » s’exclamait Pierre Tal Coat.
Pour sa cinquième exposition consacrée à Pierre Tal Coat, la Galerie Christophe Gaillard a choisi de présenter à Paris un ensemble remarquable d’œuvres sur papier et de petites peintures des années 1970-1980. Issues de l’atelier de l’artiste, pour la plupart jamais présentées au public, elles révèlent combien Tal Coat a travaillé, par l’art, à restituer l’accord profond entre l’être et la nature.
Marcheur, dessinant souvent dans ses carnets sur le vif et d’un trait rapide ou bien pratiquant l’aquarelle adossé à un talus ou assis dans l’herbe, peignant sur le papier ce qu’il appelait ses « notes » sur le paysage, Tal Coat cherche à capter les mouvements changeants de la lumière, de l’espace et de l’air qui l’environnent, à en exprimer la sensibilité.
« Il y a dans notre manière de voir, je veux dire notre manière courante de considérer les choses, un gain d’intellectualité mais une perte de sensibilité. Or ce mot de sensibilité, il faut travailler pour lui donner son sens fort. La sensibilité c’est ce que je peux exprimer dans le monde avec le monde. C’est ce que je peux exprimer comme monde. Voilà̀ pourquoi je peins et voilà ce qu’est à mes yeux la peinture[2]. »
À l’aune de la pensée écologique, les mots de Pierre Tal Coat prennent un sens nouveau, résolument contemporain. « La peinture de Tal Coat vit de la vie qu’elle récolte, contamine et prolonge[3] » écrit le philosophe et critique Guillaume Logé. Il poursuit :
« Anti-moderne, Tal Coat s’interroge sur l’homme : son positionnement, son rôle et la teneur souhaitable de ses interventions. Il cherche à faire œuvre en laissant la main à la nature. À l’opposé, un Picasso parangon de la Modernité triomphante, démiurge au centre de tout, s’arrogeant les droits et pleins pouvoirs. La Terre lui appartient. Au gré de son imagination et de ses lubies, il la tord pour le meilleur. Quasi-dieu, le génie écarte l’impossible et promet l’absolu au genre humain. Henri Maldiney l’analyse parfaitement: « Picasso se tient en face du monde comme un adversaire, comme le plus acharné des adversaires : celui qui aime et qui hait ». Tal Coat agit à contre-courant. Il pressent un autre sens à l’histoire. Il a déjà compris qu’épouser doit remplacer imposer. Bien faire appelle laisser faire. L’art doit en rendre compte, sinon l’incarner dans sa façon elle-même.
Anti-moderne, écologiste à force de se laisser (in)former par la nature : voilà Tal Coat. Il marche, non, il fait partie du paysage. Il se fond en lui. Certaines séquences du film que Michel Dieuzaide lui consacre sont éloquentes – éloquentes de « justesse » pour reprendre le commentaire de l’artiste à l’issue d’une projection. Fin de la quatorzième minute, plan large sur une carrière de craie. Tal Coat apparaît à la droite de l’image de la même façon qu’il aurait tracé quelques accentuations au crayon sur la page d’un carnet. Il est, à l’écran, la silhouette de ses deux initiales blanches sur les tableaux de la série des Carrières (1980-84). La caméra dézoome. Il est maintenant assis sur un monticule de terre au bas d’une falaise. On le distingue à peine de la végétation. Les images disent vrai : Tal Coat s’identifie à la nature. C’est l’une des caractéristiques majeures de l’ontologie que son art manifeste[4]. »
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[1] Cité par Jean-Pascal Léger, Tal Coat. Pierre et front de bois, Paris, Somogy, 2017, p. 85.
[2] Pierre Tal Coat, Conversation avec Eddy Devolder, Gerpinnes, Éditions Tandem, 1991, p. 32
[3] Guillaume Logé, Nature sensible. En marchant avec Tal Coat, Lannion, Sombres Torrents ; Paris, Galerie Christophe Gaillard, 2025, p. 38.
[4] Guillaume Logé, op. cit, p. 66-68.