L'exposition Réelle présence retrace en filigrane l'évolution, le glissement du sacré au profane, un "advenir au monde", quand, au point du jour, les premiers rais de lumière deviennent les signes avant-coureurs d'une épiphanie, les symptômes d'une manifestation (prise dans son acception phénoménologique).
C'est de cette dualité ou plutôt de ce basculement de la transcendance vers l'immanence dont parle l'oeuvre inaugurale de l'exposition (Luce, 2008, Véronique Boudier).
Cette lumière, annonciatrice qui inonde les architectures florentines de Thibault Hazelzet (Annonciation, 2005) -lesquelles balancent elles aussi entre l'immanence de la scène représentée (renforcée par l'absence des protagonistes) et la transcendance du sujet traité- acquiert de par ce fait une dimension auratique.
Avec Kassia Knap (Paysage, 2009-2011), c'est à "l'immanence de la couleur" (pour reprendre les termes d'Alain Tapié) que nous sommes confrontés. La lumière s'est transmuée en couleur, mais sans littéralité, seulement animée de l'obsession de retrouver la gamme des sentiments et émotions éprouvés au contact direct avec le monde extérieur. Le travail que demande la réalisation des œuvres est bien la chose la plus irreprésentable, et ne s'apprécie que face aux œuvres elles-mêmes. Ses toiles pliées, empesées de concrétions de matières mais pourtant animées de mouvement, se donnent comme autant d'objets sculpturaux qui s'imposent aussi, par leur beauté. Celle, en détournant les mots de Matthew Witkosky, d'objets anti-auratiques mais définis par la rencontre rituelle et la présence originaire.
Chez Guillaume Lebelle, la toile devient espace de projection d'un paysage mental, dans la continuité des Non Lieux de Dubuffet.
Lawrence Carroll quant à lui déploie une « esthétique romantique du déchet » en utilisant dans ses œuvres des objets ordinaires et des matériaux de rebut (fleurs enduites de peinture ou toiles et papiers collés ou agrafés à la surface de l'objet-tableau par exemple). Formes bricolées ou réparées comme aime à le dire l'artiste, ces œuvres imposent une présence indicible; ce décollement de l'image dans l'espace, celle-là qui mettait à genoux l'homme jeté au monde, face aux images peintes comme face au Mystère.
Les fleurs (Symbiose, 1972) qui poussent dans le jardin désenchanté de l'artiste japonais Tetsumi Kudo n'ont rien conservé de la beauté et du mystère du précédent. Elles ont poussé sur les désillusions d'une civilisation suicidaire et impuissante à penser son avenir.
Just an Illusion (After Ed Ruscha), le travail ainsi intitulé de Le Minh, joue quant à lui avec les potentialités du photographique. L'image n'est ici présente qu'en puissance. La lumière a perdu sa dimension auratique. Elle n'est plus la lumière annonciatrice, la Révélation, mais participe du processus révélateur dont naît l'image.
Le Dieu Baal-Soleil, manifestation du sensible par excellence chez les Chaldéens, a perdu de sa superbe dans l'invocation que nous en livre Bérengère Hénin (Dessin extraordinaire, coucher de soleil, 2009). C'est sur la vision d'un monde sans transcendance dans lequel le coucher de soleil est réduit à un exercice de linguistique que se clôt cette exposition.
Christophe Gaillard.
(Remerciements Vianney Duhamel)