La galerie Christophe Gaillard est heureuse de présenter Promenade avec Jean-Sébastien, la première exposition personnelle à la galerie de l’artiste d’origine polonaise Kassia Knap.
Après son exposition au Musée des Beaux Arts de Lille puis dans le cadre de l’Art dans les Chapelles, elle a participé en 2011 à la présentation de la collection d’Antoine de Galbert au Musée des Beaux Arts de Lyon.
Bien des liens unissent la musique de Bach aux toiles de Kassia Knap. Au delà de l’amour que l’artiste porte au musicien, les principes de polyphonies de l’un renvoient assurément à la polysémie du pli chez l’autre. De même, de ces travaux, émane une beauté souveraine qui communique sa force de par le sentiment diffus que nous avons de sa construction. La structuration n’est pas la moindre des qualités du travail de Kassia Knap, travail dont on ressent, comme chez le musicien ou dans les édifices du gothique flamboyant avec ses piliers fasciculés, liernes et tiercerons (comme autant de plis dans les toiles), la force architectonique. On pourrait dire en paraphrasant Nicolas Meeus : « Si l’oreille pouvait entendre, à l’arrière-plan de la structure fondamentale et dans la succession des mouvements musicaux de l’avant-plan, aussi profondément et aussi loin que l’oeil, dans le cas d’une image ou d’un bâtiment, poursuit et synthétise les lignes dans toutes leurs directions, leurs étendues et leurs rapports, elle devrait avoir (…) la sensation d’une construction gigantesque, dans laquelle de nombreuses lignes, longues et merveilleuses, ne vivant en apparence que leur mystère propre, accomplissent des relations profondément signifiantes et fortes. » Cette exposition dans laquelle se mêlent d’un coté le laborieux, le quotidien, la pesanteur et d’un autre côté, le spirituel, la grâce aurait tout aussi bien pu avoir pour titre «La pesanteur et la grâce» si celui-ci n’avait été le titre de l’exposition récente commissariée par Eric De Chassey au Collège des Bernardins.
A l’occasion de l’association des travaux de Kassia Knap avec ceux de Philippe de Champaigne à Lille, Régis Cotentin écrivait : « Kassia Knap trace une voie singulière dans la peinture contemporaine. Ces visions se trouvent au confluent de plusieurs traditions picturales : le drapé et l’icône, qui constituent l’aspect le plus explicite de son inspiration, et, de manière plus silencieuse, la tradition de ce qu’il est convenu d’appeler la « philosophie du pli », avec des références permanentes à Leibniz et Deleuze. Pour ces deux philosophes, comme pour Barthes, le pli est aussi, pour reprendre une expression de ce dernier « une inclinaison de l’âme », le pli est une substance indivisible et pourtant en perpétuelle métamorphose.
(…) Dans le chapitre sur « L’entrelacs - le chiasme », Merleau-Ponty montre que la pensée est une « sublimation de la chair », et qu’il y a donc, dès la perception, quelque chose comme une pensée, qui l’oriente ou qui l’organise. Dans ce cas, il paraît légitime de penser que l’homme est à l’origine du spectacle du monde, et qui le constitue ou le déploie. Kassia Knap dans son rapport à la toile conforte cette idée. Le support absorbe toutes les impressions et sensations que l’artiste vit fortement lors de ses promenades dans la nature. Dans sa pratique, l’artiste substitue le concept à celui d’expérience, et cette modification est loin d’être anecdotique dans l’art contemporain, puisqu’elle signifie que son corps, par et à travers lequel elle fait l’expérience du monde, n’est pas rejeté du côté de l’étendue objective ou de l’extériorité. C’est lui qui assume désormais ce qui revient jusque-là à la subjectivité, sans en reprendre cependant tous les caractères, puisqu’elle est lui-même un « morceau de monde ». (…) Si la notion de chair apparaît, dans l’oeuvre de Kassia Knap, comme la clef de voûte de son travail artistique, elle pose aussi la question de l’incarnation : dire que le monde a une chair ou qu’il existe une chair du visible, c’est du même coup s’interdire de sortir de la phénoménalité, de s’extraire hors du sensible. Mais l’intelligible lui-même est fondé, construit sur le sensible. Le concept de chair désigne le transfert des impressions de Knap qui convertit dans les plis sa perception du monde. Son art, en partant de la notion de chair, n’est plus seulement constitué d’interrogations esthétiques ; il devient autrement plus radical : « Il ne reste qu’à chercher ce que c’est que le monde, et la vérité, et l’être, aux termes de la complicité que nous avons avec eux.»