Ange Leccia / Ann Veronica Janssens / Anne-Sarah Le Meur / Marie Quéau / Capucine Vandebrouck / Gaëlle Cressent / Marina Gadonneix / Sarkis
- Date de début : 18.09.2020
- Date de fin : 22.11.2020
- Vernissage : 18.09.2020 > 18h30
Prenant appui sur l’ouvrage de Johann Wolfgang Goethe, le « Traité des couleurs » publié en 1810, le Centre Européen d’Actions Artistiques Contemporaines (CEAAC) réunit les œuvres de huit artistes contemporains pour qui les couleurs ne sont pas seulement matériaux entrant dans la représentation du monde, mais réalité à part entière, aux multiples modes d’apparitions, d’une pureté manifeste ou d’une sophistication magique.
Inscrit dans le cadre d’un partenariat avec les Musées de la Ville de Strasbourg qui évoquent la figure de Goethe à travers une exposition majeure présentée au Palais Rohan, le CEAAC conçoit dans un esprit de complémentarité, un projet d’exposition collective qui se propose de révéler l’influence des travaux du théoricien de l’art sur la création actuelle.
Intitulée PRISMES, Goethe, réflexions contemporaines, l’exposition s’inspire des recherches menées par Goethe autour de la lumière et du champ coloré, présentant une diversité d’oeuvres et d’artistes qui continuent, aujourd’hui encore, d’explorer les phénomènes visuels.
Relatives à la dimension contemplative du traité, les premières oeuvres du projet PRISMES abordent les couleurs à travers l’angle de l’expérience visuelle et méditative.
Ange Leccia nous invite à admirer l’ondoiement de la mer sur un rivage, nous immergeant dans une oeuvre vidéo, où le déploiement de teintes et les ondulations d’un motif sans cesse renouvelé, renversent la pesanteur et la perspective du réel.
Le plasticien Sarkis nous convie quant à lui à la réflexion et à l’observation du principe de gravité, nous proposant d’effectuer des essais concrets de dilution et de fusion de couleurs aquarelles dans un volume d’eau. Pur plaisir qui ne néglige pas pour autant de nous renseigner sur la chimie et la physique de ces pigments.
Le poète et savant a su observer la physique de la lumière et de ses révélations colorées, poursuivant le moindre rayon lumineux passant des milieux les plus troubles aux plus transparents. Les artistes actuels, comme les Impressionnistes avant eux, traquent et tentent également de saisir l’instant de naissance d’une couleur, sa fugacité et ses modifications par fusion ou simple proximité avec d’autres corps.
Couleurs physiques réfléchies sont ainsi captées et renvoyées à nos yeux par les oeuvres des plasticiennes Capucine Vandebrouck et Gaëlle Cressent.
Tandis que la photographe Marie Quéau nous présente l’enregistrement d’un événement prismatique fugitif,
Ann Veronica Janssens explore quant à elle la notion de matérialité et perturbe notre perception par l’appréhension de sculptures minimales, aux apparitions colorées troublantes.
Goethe décrit et analyse également les formations chromatiques propres à notre physiologie, générées par nos organes liés à la vision. Citons par exemple cette simple mais fascinante apparition d’une lueur pourpre se manifestant sur la face interne de nos paupières lorsque nous fixons le soleil les yeux fermés. Cette troublante expérience révèlant notre champ coloré interne est à rapprocher des oeuvres vidéo génératives et immersives d’Anne-Sarah Le Meur. Une seconde image de Marie Quéau nous porte quant à elle jusqu’aux sources de la lumière, à l’éblouissement originel.
Physiologiques, physiques ou chimiques, les couleurs savent se révéler à nous par le biais de phénomènes naturels ou artificiels. La photographe Marina Gadonneix nous conduit ainsi jusqu’à l’observation de territoires inconnus et savants, où l’humain côtoie des phénomènes lumineux d’ampleur cosmique.
Dévoilant par ailleurs de mystérieux nuanciers de couleurs, l’artiste nous convie finalement à une dernière expérience.
Face au dépouillement d’un décor monochrome bleu, cette ultime station amène le visiteur à questionner le fonctionnement des fabriques d’illusions que sont les images.
À l’instar de Goethe qui observe la nature pour en déduire des connaissances, l’exposition PRISMES et ses artistes invités dérivent de la perception du monde vers l’imaginaire. Explorant l’espace des sens à travers les phénomènes colorés, le projet (re)pense notre approche sensible du monde.
Nous resterait-il alors à convoquer les associations spontanées de la synesthésie, phénomène de juxtaposition d’impressions sensorielles, pour accéder à une possible « écoute des couleurs » ?
Élodie Gallina & Gérald Wagner
(Commissaires)