Hélène DELPRAT

Twist & Die | Les Tanneries, Amilly | 3 juin - 27 août 2023

HÉLÈNE DELPRAT

TWIST & DIE

3 juin - 27 août 2023

 

Inscrite dans le dernier chapitre d’une saison artistique intitulée Les registres du jeu, cette exposition participe du réenchantement attendu des espaces des Tanneries où, dans l’ombre des gestes artistiques invités, s’y forment de nouvelles écritures et des jeux narratifs oscillant entre récits personnels et collectifs, dans le bruissement né de leur rencontre comme de leur entremêlement avec les murmures d’un monologue intérieur et subtilement espiègle.
Cette séquence estivale donnera à découvrir trois univers dans lesquels cheminer, tour à tour peuplés de formes végétales singulières issues d’un temps et d’un lieu mémorable – Maturités(1) de CLARA – de machines exubérantes, colorées et inventives – N.O.É(2) de Victor Cord’homme – ou de figures fugaces et dissipées issues des mondes imaginaires et autofictionnels d’Hélène Delprat avec Twist & Die.

Artiste plasticienne, Hélène Delprat explore une multitude de médiums, tels que la peinture, le dessin, la sculpture, la vidéo, située aux confins d’indécidables mises en scène. À plusieurs reprises, elle a imaginé et réalisé des costumes(3), ainsi que des scénographies de pièces de théâtre. Sensible à l’univers cinématographique et spectaculaire, l’artiste accumule les emprunts au réel et à la fiction, se nourrissant des formes et des images du quotidien comme de l’Histoire de l’art. À l’interstice entre documentaire et invention, le travail d’Hélène Delprat déroute tant par son éclectisme référentiel que par sa capacité à déborder le cadre pour éveiller des imaginaires pluriels. Peuplés de mythes et de contes ainsi chahutés, un monde fantastique et saturé d’autodérision s’offre dans l’exposition Twist & Die. À la fois totale et minimaliste, la scénographie reflète le caractère foisonnant de la pratique artistique d’Hélène Delprat, et son goût pour le décor, pour les tableaux : les siens, mais aussi ceux des situations avec lesquelles elle joue. En mettant à l’honneur l’univers baroque et exubérant de cette artiste confirmée et reconnue à l’échelle internationale, à travers la mise en œuvre de cette exposition empreinte de théâtralité, se conforte l’identification du Centre d’art comme lieu de fabriques et de créations décidément singulières.

Investissant des artifices liés au spectacle, les visiteurs sont invités à soulever le rideau de la pièce qui se joue dans la Galerie Haute. Se dresse alors une représentation prête à enivrer les sens, une danse à la fois onirique et sombre, sans début ni fin. Constellations de boîtes lumineuses – presque magiques -, peintures – ou textes – aux motifs minimalistes, colorés et ornementaux, mais aussi vidéos sonores et images devenant sculptures : nul autre choix que de plonger dans la complexité de la carte heuristique d’Hélène Delprat qui réinvestit les procédés de l’écriture automatique pour créer un tableau aussi énigmatique qu’hypnotique. Cherchant d’abord le sens des références disséminées ou joyeusement apparentées, dans une ronde endiablée entre signes et symboles, le regard est finalement absorbé, immergé dans une intime compréhension de l’œuvre généreuse de l’artiste pour qui « Le sens peut se perdre, mais on s’en fiche ». Un plaisir curieux de déceler, qui mène danse, farandole ou rigodon, parcourt le corps du visiteur – contemplant le paysage qui se dessine pour finalement s’approcher au plus près des œuvres afin d’en percevoir la subtilité – et l’assujettit comme personnage principal de cette mise en scène sans lequel la pièce ne saurait avoir lieu. S’amusant du visiteur, un double je(u) permanent habite les espaces d’exposition. L’identité de l’artiste envahit l’œuvre autant qu’elle s’y dissimule. Elle s’aperçoit sans jamais se dévoiler, suscitant une inquiétante étrangeté(4) reconnaissable.

Ces formes de théâtralisation se prolongent dans la Petite Galerie. Elle semble s’ouvrir sur des coulisses sinueuses et labyrinthiques où une foule de bustes étranges, moqueurs ou grimaçants, se dresse et annonce un jeu de rôle à taille humaine mêlant exploration du double, de sa représentation, de l’identité et de l’altérité. À l’interstice entre théâtre d’objets et théâtre d’ombres, l’œuvre d’Hélène Delprat éprouve alors le regardeur lorsqu’il découvre son image démultipliée par des surfaces réfléchissantes – des sortes de judas optiques suggérant une perception déconstruite et non-unitaire(5) – fruit d’une réalité réticente, qui se tord, se déforme et ironise le moindre reflet.
Entre pantomime et faux-semblants, l’artiste use de son art pour brouiller les cartes : elle s’approprie les espaces pour en faire l’écrin de son imaginaire débordant – une « chambre à elle »(6) ou son cabinet de curiosités : « J’essaie de transmettre la nécessité de déborder, la nécessité de l’excès, la nécessité de l’échec, la nécessité du risque. Ne pas se répéter ou se répéter, mais la nécessité de ne pas forcément se reconnaître. ». Juxtaposant des éléments inattendus et détournés empruntés au réel, à la culture savante et populaire, Twist & Die abolit les frontières entre absurde et impossible, invite à découvrir des réalités foisonnantes et à déchiffrer avec humour des mondes complexes et hantés qui prennent ainsi corps dans une exposition théâtrale.

Juin 3, 2023