Dans le cadre de sa programmation, le MO.CO. poursuit son exploration des collections privées comme strate essentielle de notre rapport aux artistes et à leurs oeuvres. Laurent Dumas, collectionneur et défenseur passionné de la création contemporaine, a donc été invité à présenter une partie de sa collection à travers le regard éclairé du commissaire d'exposition Éric de Chassey. L'exposition reflète cet engagement commun en faveur de la création ainsi que la diversité de cette collection qui cristallise le foisonnement de notre scène artistique et ses évolutions historiques majeures.
Voici plus de vingt ans que Laurent Dumas a commencé à collectionner des oeuvres d’art. Au fil des ans, il s’est de plus en plus concentré sur la scène française, en particulier celle qui témoigne du dynamisme retrouvé des pratiques picturales et plastiques, notamment figuratives, nourries par plusieurs décennies d’art conceptuel ou d’esthétique relationnelle mais renouant avec la description du monde, ou plutôt l’invention et la réinvention de mondes singuliers. Sa collection, où les formats monumentaux abondent, constitue aujourd’hui la collection de référence pour quiconque veut comprendre les évolutions de l’art en France depuis trente ans.
Elle permet d’en faire une archéologie, en remontant aux années 1960, qui virent une adaptation de l’art aux conditions nouvelles d’une société dominée par les mass media, puis aux années 1980-1990, au moment où peinture et sculpture étaient censées être devenues obsolètes mais où des artistes comme Jean-Michel Alberola, Erik Dietman, Fabrice Hyber, Annette Messager ou Jean-Pierre Pincemin leur donnaient un nouveau souffle, loin des querelles de chapelle et des téléologies progressistes qui avaient dominé les décennies précédentes, mais loin aussi de la fausse spontanéité qui avait entouré le succès marchand du néo-expressionnisme international. Elle comprend des ensembles majeurs des artistes qui ont marqué en France les premières décennies du nouveau siècle : Adel Abdessemed, Dove Allouche, Nina Childress, Hélène Delprat, Damien Deroubaix, Bruno Perramant, Georges Tony Stoll ou Claire Tabouret.
La scène française qui est donnée à voir dans cette collection n’est pas fermée sur elle-même, comme elle pouvait sembler trop souvent l’être auparavant. Elle inclut des artistes étrangers travaillant en France comme Ulla von Brandenburg et Thomas Hirschhorn. Elle se renouvelle sans cesse grâce à l’entrée de jeunes artistes, dont Laurent Dumas a toujours cherché à acquérir très tôt dans leur carrière des groupes d’oeuvres importants et qu’il a choisi de soutenir depuis 2014 par la création de la Bourse Révélations Emerige. Les ensembles d’œuvres de Paul Mignard ou Edgar Sarin témoignent de cet engagement visionnaire.
Le rayonnement et la diffusion de cette scène française en dialogue avec des artistes internationaux sont au cœur du projet ambitieux que portent Laurent Dumas et Émerige avec l’ouverture en 2026 du centre d’art à la Pointe des Arts Ile Seguin à Boulogne-Billancourt (92).
La collection de Laurent Dumas n’a pas été constituée comme un échantillonnage de l’actualité, qui en donnerait un aperçu exhaustif mais sommaire. Au contraire, chacune des œuvres choisies l’a été de façon éminemment subjective, par coups de cœur plutôt que par raisonnement objectif. C’est pourquoi, tout en étant représentative d’une situation et d’une histoire, elle est aussi tout à fait spécifique. Loin des valeurs de juste milieu traditionnellement associées à «l’esprit français», elle met en particulier en valeur l’humour, la dérision, l’extravagance, l’obsession, la dérive… Autant de manières de renouveler notre regard sur le monde, tant celui qui nous entoure et nous façonne, que sur celui qui nous agite de l’intérieur.
Commissaire : Éric de Chassey
Du 26 octobre 2024 au 12 janvier 2025