D’aucuns savent le lien physique et intellectuel que nous aimons construire à la galerie avec les artistes, les collectionneurs, les auteurs, nos amis…
La crise sanitaire que nous traversons pourrait-elle conduire à distendre ce lien ? Je n’en crois rien. Cette crise au contraire, nous demande à penser dès aujourd’hui ce que demain sera. À corriger nos erreurs je l’espère, mais aussi, surtout, à intensifier ce qui fait nos forces, à mettre sous un plus grand jour des qualités humaines et des choix esthétiques qu’une normalisation, qu’une globalisation du monde de l’art a pu étouffer.
Aussi, il m’est apparu très vite que je ne reprendrai pied dans le monde réel qu’en prenant en compte les deux principaux facteurs que cette crise mettait au grand jour et qui, à eux seuls, sont et devraient être l’alpha et l’oméga d’un galeriste : la vérité de l’œuvre d’art et la vérité de son prix.
La vérité de l’œuvre c’est, tout du moins je le crois, ce pourquoi notre cœur bat. Aux antipodes d’un certain art contemporain qui manie gigantisme et brutalité et qui - comme le dénonce justement Annie Le Brun - tente de reconfigurer notre sensibilité, d’annihiler notre subjectivité, il s’agit de redonner leur place aux artistes et à leurs oeuvres. Retrouver le rapport ontologique à l’œuvre d’art.
Mais bien évidemment, il est une deuxième donnée à laquelle nous devons réfléchir. Comment en effet croire que la déflagration économique qui va secouer l’économe, et à fortiori le marché de l’art, ne rebattra pas les cartes de ce qu’on appelle communément le prix d’une œuvre ?
Une œuvre n’a pas de prix et donc la vérité de son prix c’est l’accord entre un acheteur, l’artiste et le galeriste, lesquels, après s’être approchés au plus près de l’œuvre, des conditions de sa création, après en avoir discuté, débattu, en un mot en fonction de comment chacune des trois parties la considèrent (l’oeuvre) comme indispensable ou essentielle à celui qui la possèdera, décident de la valeur.
Loin des arbitraires outils d’évaluation, des tentatives de définition d’une cote, loin du process de financiarisation du monde de l’art, j’ose affirmer qu’une œuvre n’a pas de prix. Elle vaut tout autant 10 qu’elle ne vaut 100.
Aussi, pour donner forme à ces réflexions à partir de maintenant, au travers de notre viewing room et des réseaux sociaux, nous débuterons notre exposition Ça n’a pas de prix.
Une exposition dans un premier temps en ligne et pour laquelle aucune image de l'oeuvre elle-même ne sera dévoilée. Car, pour lutter contre cet excès de marchandises, d’images et d’informations (qu’Annie Le Brun - encore elle - assimile à une censure par l’excès). Ça n’a pas de prix, sera un format d’exposition dont je vous dirai pour chacune des œuvres présentée pourquoi elle n’a pas de prix pour moi.
Et elle n’en n’aura d’autant pas, qu’aucun prix n’existera avant que nous ne commencions à en parler. Nous fixerons ce prix entre nous (l’acquéreur potentiel, l’artiste et la galerie) !
Une occasion nous est donnée de nous retrouver (artistes, collectionneurs, amateurs, journalistes, auteurs, galeristes) autour d’une manière d’appréhender l’art. Autour d’œuvres qui nous parlent et qui portent un message ou des émotions. Loin du vacarme assourdissant de leurs conditions communément admises de monstration.
Faisons vivre et revivre le monde sensible (dans ses deux acceptions du terme : ce que l’on touche et ce qui nous touche) dont seule l’écume nous parvenait encore.
Ouvrons des horizons. Ça n’a pas de prix.
Christophe Gaillard.
Ça n'a pas de prix: #soon
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