Il existe une riche tradition de l’art des détritus, des collages et assemblages de Kurt Schwitters et des reconfigurations situationnistes de la trash culture, aux monuments pleins de mordant érigés par Rachel Harrison ou Isa Genzken à la vilénie du capitalisme tardif. Et puis, il y a Dave Hardy, qui par son positionnement formel et poétique s'inscrit élégamment entre facture apollonienne et abjection pure et simple.

Les matières premières utilisées par Dave Hardy dans les œuvres de l'exposition sont des plaques  de verre récupérées et des blocs desséchés de mousse bon marché (du type qui sert à rembourrer le mobilier dans un film porno particulièrement cheap ou dans un bureau d'aide sociale). La mousse est trempée dans du ciment et manipulée pour former des plis lugubrement voluptueux et des monts charnus qui évoquent à la fois le contrapposto de la statuaire figurative classique et des amas de sculpture moderniste montés en graine. Les matériaux de Hardy semblent placés dans un équilibre et une inclinaison précaires - les soutènements semblent virtuellement absents. D'habiles prouesses d'ingénierie et une minutieuse utilisation de la gravité leur donnent leur solidité d'ensemble.

Ces sculptures sont aussi empreintes d'une dose de pathos - ressenti le plus intensément dans les fragments de détritus insignifiants insérés à la surface des oeuvres : dans le bretzel idiot ou dans le bâton de colle merdique qui pendouillent dans Destiny (2014, comme toutes les pièces citées) ; dans l'allume-cigare certainement récolté sur un triste modèle de Honda des années 80 (Lighghts) ; ou dans l'érection faiblarde du crayon rose qui pointe dans Cutout. Ces touches de camelote apparemment improvisées amplifient la vulnérabilité de ces œuvres, comme des couteaux dans un monstre de conte de fées, et permettent à l'obstinée "choséité" des objets de Hardy de se fondre ici et là en des moments dépareillés d'amour et de tendresse.


Artforum, 10 octobre 2014

Artguide / Critic's picksb / New York

Dave Hardy / par Alex Jovanovich