Comment rester insensible face à tant de résilience et de beauté ? À travers cette exposition dédiée à l’artiste rom Ceija Stojka (1933-2013, AT), la Galerie Christophe Gaillard Brussels vous invite à un voyage au cœur de l’histoire méconnue du génocide des Roms, vue à travers les yeux d’une artiste dont chaque œuvre est un acte de survie.
« C’est bien dans un tourbillon de couleurs, de lumière et de rires que commence cette histoire. Avec le goût de la pluie sur les lèvres, le vent dans les cheveux et les herbes folles en farandoles tsiganes. Mais vient la nuit des camps, celle des barbelés et du pouvoir d’un tout petit homme raciste. Après Auschwitz, après la peur, resurgit le soleil pour dire oui à la vie. Respirer profondément, tendre les poings vers le ciel et rester unis, parce qu’on est plus forts quand on chante tous ensemble. Jouer à cloche pied avec des listes de mots, pour conjurer le malheur et s’ouvrir au bonheur. La petite-fille est devenue arrière-arrière-grand-mère, mais chez les Roms, le voyage n’est jamais fini. » *
Ceija Stojka, née en 1933 en Autriche et déportée à l’âge de dix ans, a survécu aux camps d’Auschwitz, Ravensbrück et Bergen-Belsen. Ce n’est qu’à l’âge de 55 ans que l’artiste autodidacte commence un fantastique travail de mémoire, brisant le silence sur des années d’atrocités à travers la peinture et l’écriture. Ses œuvres, réalisés jusqu’à peu avant sa disparition en 2013, sont plus que des témoignages : elles sont des cris d’alerte, des messages d’espoir et des actes de résistance face à l’oubli.
Cette exposition dévoile près de cinquante œuvres capturant à la fois les moments de joie et les ombres du passé, des souvenirs d’une enfance libre dans les roulottes roms aux scènes sombres des camps de la mort. Chaque tableau, empreint d’une perspective naïve, reflète le regard de la petite fille qu’elle était et les compositions offrent un aperçu intime de ses souvenirs et de son expérience.
Chaque coup de pinceau est un cri de vie, chaque toile une fenêtre sur l’indicible. Les œuvres de Ceija Stojka capturent la peur, la douleur, mais aussi l’espoir et la résilience, rappelant que même dans les moments les plus sombres, la lumière persiste.
Présente dans les collections du Moderna Museet Stockholm (SE), Ludwig Museum Cologne (DE), House of European History, Bruxelles (BE), Pinault collection, Paris (FR), son œuvre, qui mêle lumière et ombre, est soutenue par des institutions telles que le Musée Reina Sofía (ES), la Kunsthalle de Malmö (SE), le Wien Museum (AT) sans oublier le Jewish Museum of Belgium (BE), et permet de comprendre un pan méconnu de la Seconde Guerre mondiale et de s’engager pour la mémoire.
Cette exposition est une rare opportunité de découvrir à Bruxelles ces œuvres poignantes, où chaque tableau rappele l’urgence de ne jamais oublier.
(*) Murielle Szac, éditrice du livre « Le tournesol est la fleur du Rom », nov. 2020a