Déprogrammations: en collaboration avec la galerie Jeanne Bucher Jaeger

2018-02-01 Paris / Front space

« Il n'est pas interdit d'imaginer pour l'interprétation du monde d'autres déchiffrements, d'autres ordonnancements, que ceux auxquels nous avions fait jusqu'à maintenant pleine confiance. » Jean Dubuffet

« Ce que vous me soumettez comme étant vérité et que plus modestement je considère comme des visions m’apparaît. Je n’aurais pas pu y penser par les voix de la raison seule. » Jean-Olivier Hucleux

Réunir les œuvres de Jean Dubuffet et Jean-olivier et Hucleux pourrait paraître surprenant de prime abord pour qui ne connaîtrait pas certains pans du travail de ces deux artistes. Car, au-delà des œuvres des années 40-50 pour l'un et des portraits hyper-réalistes pour l'autre, ces deux artistes ont à la fin de leur vie ressenti le désir d’explorer de nouveaux espaces, notamment un espace mental.
Aussi est-il troublant de comparer les enchevêtrements du cabinet logologique, les œuvres de la série de l’hourloupe ou des non-lieux de Jean Dubuffet avec les dessins de déprogrammation que Jean-Olivier Hucleux réalise à partir de la fin des années 80 .

Déprogrammer ! C’est le maître mot qui unit la démarche de chacun de ces artistes. Chez Dubuffet en premier lieu il s’agit bien sûr avant tout d’une déprogrammation culturelle. S’affranchir des schèmes de cette « asphyxiante culture » pour mieux explorer de nouveaux territoires. Chez Hucleux, la pratique des dessins de déprogrammation est parallèle aux portraits hyper-réalistes qu’il réalise au même moment. Comme un territoire de ressourcement mental. Une démarche initiatique en somme où pour mieux avancer sur le « chemin » il faut savoir se déposséder de tout ce que l’on sait : se déposséder de son propre héritage afin de mieux trouver au travers un magma informel mais terriblement structuré « quelque chose qui est de l’ordre de la vision » (cf. Jean- Olivier Hucleux).
Chez l’un et chez l’autre cela passe par l’absence du sujet. « Il y a dans toutes mes peintures deux vents contraires qui soufflent, l'un me portant à outrer les marques de l'intervention et l'autre, à l'opposé, qui me porte à éliminer toute présence humaine ... et boire à la source de l'absence » disait Dubuffet.

Pour conclure et reprendre une formule de Hucleux lui-même - dont la similitude avec celle de Dubuffet citée en exergue de ce texte est troublante - il s’agit « en réalité d’accéder à un silence parfait habité par des schémas, des symboles et des agencements... »

Déprogrammer pour accéder au-delà du raisonnement, à une forme d’oubli, de non savoir.

Christophe Gaillard

Exposition réalisée avec l'aimable collaboration de la galerie Jeanne Bucher Jaeger