Hélène Delprat: Moi qui adore Barnett Newman, on peut dire qu'on en est loin !

9 Septembre - 21 Octobre 2017 Paris / Main space

Hélène Delprat est double, Actéon-Diane, celle qui peint pour nous assurer que la peinture se tient encore en retrait du bruit pour avoir appris à se perdre, à perdre.

On ne peut pas avoir dit « non » sans appartenir au monde du voyageur Thomas Hutter, le jeune commis de Nosferatu : « Après qu’il eut passé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre. » Mais passer le seuil peut vouloir dire une chose plus simple que toutes les sciences de vampire, car toutes ces histoires d’ombres, de cinéma, d’escaliers, de mains, d’amour et de crânes ne réclament qu’une salutaire formule : « laissez ici tout ce que vous savez, devenez profanes. Et partez en voyage ! » Inutile de chercher la source, elle est dans ce qu’on fait, raison pour laquelle Hélène Delprat ne parle pas de sa peinture, mais de toutes les histoires qui l’y conduisent et rendent instable l’origine. Être pertinent, se dégager du péril de savoir, n’est-ce pas l’élégance de ne pas dire, de laisser vivre et regarder ? Et pour finir comme elle dans un grand éclat de rire où elle se cache encore et toujours, un coup de pied au cul à la Benjamin Péret de Derrière les fagots* : (...) et la boîte de sardines vide se croira sainte / Un coup de talon dans la gueule / et c’est une divinité / qui nage dans le miel pur / sans se soucier des protozoaires / des hippocampes / des cailloux célestes qui voltigent d’un œil à l’autre / (...)

Extrait de « L’univers est la cendre d’un Dieu mort », texte rédigé par Corinne Rondeau pour le catalogue de l’exposition monographique d’Hélène Delprat à La maison rouge « I Did It My Way », du 23 juin au 17 septembre 2017.

* « Et ainsi de suite », in : Derrière les fagots, José Corti, Paris, 1961, p. 108.



 

Hélène Delprat, vit et travaille à Paris. Après un séjour à la Villa Médicis qui s’achève par une première exposition anonyme en 1984, Hélène Delprat entre à la galerie Maeght qu’elle quitte en 1995. Elle travaille seule puis pendant trois ans est artiste invitée à l’école d’art Paris-Cergy. En 2011, elle entre à la galerie Christophe Gaillard. Inspirée par la littérature – des Métamorphoses d’Ovide au roman contemporain en passant par Mary Shelley – le cinéma, les bases de données d’internet ou encore la radio et la presse, elle développe une sorte de « Livre d’Heures » grinçant et sensible, où se mêlent fictions et documentaires : ses interviews vraies ou fausses, ses dessins radiophoniques, ses peintures, ses vidéos et ses col-lections d’articles complètent cet inventaire d’un monde fait de hasard et de programmation. Elle est enseignante à l’École Nationale des Beaux-Arts de Paris depuis 2014. En juin 2017, La maison rouge lui consacre une exposition monographique, suivie, en mars 2018, du Musée des Beaux Arts de Caen. En avril 2018, elle présentera sa première exposition personnelle à la Galerie Carlier-Gebauer, Berlin.



Corinne Rondeau est critique d’art et fait entendre sa voix depuis une dizaine d’années sur France Culture. Elle est l’auteur de plu-sieurs essais monographiques, notamment sur la chorégraphe Lucinda Childs (CND, 2013) le plasticien David Claerbout (éd. Nicolas Chaudun, 2013) l’essayiste et romancière Susan Sontag (L’éclat, 2014), la cinéaste Chantal Akerman (à paraître à L’éclat, 2017). Elle est maître de conférences en esthétique et sciences de l’art à l’université de Nîmes.