La Galerie Christophe Gaillard est heureuse de présenter la première exposition personnelle de Stéphane Couturier dans ses murs, « Monumental », occasion de faire découvrir au public plusieurs photographies inédites de séries connues dans le monde entier.
Arpenteur des villes depuis les années 1990, Stéphane Couturier (né en 1957) a fait de l’architecture urbaine et de ses mutations contemporaines le sujet principal de ses photographies. Il a révélé dans ses premières œuvres les transformations d’urbanismes anonymes (Archéologies urbaines, 1995-1998 ; Monuments, 1999-2002) avant de s’intéresser à l’architecture de villes construites ex nihilo par les architectes du XXème siècle (Chandigarh conçue par Le Corbusier, Brasilia par Lucio Costa et Oscar Niemeyer ou encore la cité Climat de France à Alger par Fernand Pouillon). Depuis 2004 le photographe a pris le tournant de la révolution du numérique. Il crée des « images numériques mouvantes »[i] pour faire voir – révéler – le tissu urbain et penser les espaces que nous habitons. De la série Melting point (à partir de 2004) à celle des Nouveaux constructeurs (depuis 2018), les strates du réel se superposent et s’hybrident dans des compositions qui ouvrent un nouvel espace-temps.
Stéphane Couturier multiplie les points de vue, joue de l’enchevêtrement de détails, de l’accumulation de plans et des variations de textures au sein d’une même image pour, dit-il, « s’approcher au plus près des sensations pures que l’on perçoit lors des déambulations ». Cette approche de la photographie, qui associe un traitement proche du all-over pictural à une frontalité monumentale de l’image, est moins austère, moins systématique qu’il n’y paraît. Au contraire, elle suscite un mouvement, une fluidité qui permet à l’œil de se perdre et d’errer, dans un va-et-vient parfois à la limite de la dissolution : elle place le spectateur face à ce qui lui résiste, comme face à un fragment d’épaisseur du réel.
Les photographies de Stéphane Couturier, écrit Quentin Bajac, « ont en commun une même abolition des repères perspectifs — la grille comme absence de hiérarchie et de centre — et, la plupart du temps (…), une interaction de temporalités. Car la grille de Couturier, (…) n’est que superficiellement affaire d’espace. Elle est bien davantage, de même que toute la photographie de Couturier, affaire de temps, d’entrelacs de temporalités et d’histoires, de mémoires collectives et individuelles ». 1
Dans ses images récentes de la série des Nouveaux constructeurs, Stéphane Couturier combine des vues de la ville et du port de Sète en des compositions géométriques colorées, écho direct des toiles cubistes de Fernand Léger. Il use des outils de montage et des technologies numériques mais choisit pour le tirage de ses photographies le procédé du cibachrome (technique de l’argentique utilisée dans les années 1960, appréciée pour la qualité exceptionnelle du rendu de la couleur et de la lumière). Entre réalité et fiction, photographie documentaire et recherche plasticienne, Stéphane Couturier noue un dialogue avec la peinture qui engage une réflexion sur les potentialités de la photographie et la redéfinit, selon lui, comme « un jeu de construction et de déconstruction du réel ».
Un jeu qu’Ingrid Luquet-Gad a remarquablement étudié : « Refusant tout déterminisme du médium, mêlant procédés argentiques et numériques, la photographie est conçue comme la captation d'un possible. L'enregistrement minutieux que permet le médium est détourné de sa fonction de preuve : la photographie n'atteste plus, elle invente. Elle reconfigure, à même le réel, sans cesser de le répertorier, d'autres mondes possibles (…). Pluralisant les perspectives, la photographie se fait le vecteur d'un pouvoir exploratoire de la fiction, nous décrivant un réel qui s'invente à mesure. » 2
Stéphane Couturier (né en 1957) vit et travaille à Paris. Il commence sa carrière de photographe dans les années 90 et réalise de nombreuses séries remarquées, il obtient le Prix Niepce en 2003. Son travail a fait l’objet de plusieurs monographies, notamment aux Editions Xavier Barral, 2016 et est actuellement présenté à l’Artothèque d’Angers en solo show.
Ses photographies sont présentes parmi les plus grandes collections institutionnelles telles que le Centre Georges Pompidou, Paris (FR) ; la Maison Européenne de la Photographie, Paris (FR) ; le Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg (FR) , le Los Angeles County Museum (US) ; le San Diego Museum of Photographic Arts (US), la Galerie Nationale des Etats Unis à Washington (US) ; l’Art Institute of Chicago (US) ; la Galerie nationale du Canada à Ottawa (CA) ; le Musée National d’Art Moderne du Grand-Duc Jean, Luxembourg (LU), l’Israël Museum, Jerusalem (IL) ; le Musée de l’Elysée, Lausanne (CH)...