La Galerie Christophe Gaillard est ravie d’annoncer en collaboration avec Muus Collection la représentation de la photographe américaine Deborah Turbeville (1932-2013) ainsi que sa première exposition personnelle à la galerie.
Intemporelles, évocatrices et fascinantes, ses œuvres sont celles d’une pionnière dont le travail a bouleversé la photographie de mode des années 70, milieu essentiellement masculin. A l’occasion de collaborations avec Harper’s Bazaar, Nova, The New York Times et pour des créateurs comme Guy Laroche, Valentino, Charles Jordan et Comme des garçons, elle se distingue fortement de ses collè- gues masculins tels Guy Bourdin, Richard Avedon, Erwin Blumenfeld ou encore David Bailey. Que ce soit de par le choix des poses de ses modèles, des lieux, des cadrages, des lumières, jusqu’au traitement même que l’artiste «inflige» à ses tirages au grain si étrange (ils peuvent être déchirés, scotchés, épinglés, salis) l’oeuvre de Deborah Turbeville est reconnaissable parmi toutes et invite au trouble face à ces images délicieusement surannées.
Le lieu, «premier personnage» selon Deborah Turbeville, est crucial dans ses photographies et Patrick Roegiers en décrit bien l’atmosphère : «Dans des lieux interlopes, appartements vides, entrepôts ou palais oubliés, de belles dames an- xieuses, aux attitudes lascives et emprisonnées dans leurs songes, exhibent leur ennui avec une mélancolie désinvolte. Seules ou en groupe, parfois déshabillées, saisies comme dans un miroir sans tain, elles interprètent, sur des restes d’univers en ruine, des scènes alternativement morbides, excentriques ou romantiques, qui font penser à Tchekhov ou Pina Bausch». (1)
Très influencée par le cinéma, notamment celui d’Antonioni, Visconti et Bergman, elle n’hésite pas à composer des séquences juxtaposant dans sur une même feuille ses images de façon artisanale. Comme le souligne Nathalie Herschdorfer, le photocollage est le «génie» de Deborah Turbeville : À la diffé- rence de ses contemporains en photographie de mode, elle élabore ses images avec une intention délibérément ludique : photocopier, découper, gratter, assem- bler des tirages, écrire dans les marges,... Artiste complète plus que photographe, elle crée des œuvres uniques où les femmes sont au coeur d’atmosphères oni- riques, bien loin des images glamour sur papier glacé.
« I go into a woman’s private world, where you never go. It’s a moment frozen in time. I like to hear a clock ticking in my pictures. » (2)
Peu exposé en France depuis sa rétrospective au Centre Pompidou en 1986, le travail de Deborah Turbeville est depuis quelque temps mis en lumière grâce aux récentes expositions personnelles que le musée Photo Elysée de Lausanne, le Huis Marseille d’Amsterdam et The Photographers Gallery à Londres lui ont consacrées.
Son oeuvre fait partie des collections publiques de nombreux musées interna- tionaux tel : le Art Institute of Chicago, le Centre Georges Pompidou à Paris, le Getty Museum, le LACMA, le MET New York, le Museum of Fine Arts de Boston, le MoMa New York, la National Portrait Gallery à Londre, la National Gallery of Arts Washington, le Photo Elysée Museum de Lausanne, le Ryerson Image Center, le Victoria and Albert Museum de Londres ou encore le Whitney Museum of American Art de New York.
(1) Patrick Roegiers, Au Centre Pompidou Le charme ambigu de Deborah Turbeville, Le Monde 05/08/1986
(2) Deborah Turbeville, Deborah Turbeville Photocollage, Thames & Hudson, 2023