L’exposition comprend une nouvelle série de quatre grandes plaques d’aluminium réfléchissantes d’environ 3 mètres de haut, qui sont en continuité avec les recherches de l’artiste sur l’histoire de la sculpture et de son éclatement. En l’occurrence, Lopez s’attache à l’héritage du minimalisme afin de mettre en question le caractère fasciste du monolithe. Murale mais de grande échelle, l’oeuvre Blue Angels renvoie à la fois à Chamberlain et à McCracken. Les plaques d’aluminium s’appuient contre le mur, s’affaissant sous l’effet de manipulations, de telle sorte qu’elles évoquent des feuilles de papier, en un refus du fétichisme de l’art bien léché. Chacun de ces objets s’inscrit dans la continuité de la trajectoire de l’artiste qui consiste à examiner les notions de gravité, d’activation de l’oeuvre par le spectateur, mais aussi d’échec. Sous ce prétexte, l’oeuvre étudie la répétition chargée des formes, du minimalisme, et même de l’expérience humaine, comme si chaque sculpture semblait soit se renforcer pour tenir debout, soit s’affaisser sur elle-même après un grand effort.
Inscrite dans un cadre culturel de référence, Blue Angels représente les avions de l’US Navy dédiés à la voltige acrobatique de démonstration, à l’origine à la fois d’un spectacle et d’un public d’amateurs d’anciennes technologies aériennes, dans un contexte expurgé de la bravoure et de la cruauté de la guerre. Lopez insère cette contradiction obsédante de l’objet dans ses formes. La surface réfléchissante de l’extérieur rappelle l’aspect industriel de l’aile de l’avion et implique le spectateur à travers son reflet distordu. L’intérieur de l’oeuvre est enduit d’une peinture automobile, sélectionnée au sein du prisme des couleurs des lignes aériennes. Pour cette partie précise de l’oeuvre, la couleur rouge-orangé est spécifiquement empruntée à la livrée de Delta Airlines, et le bleu pastel à celle de Korean Air. Ces archétypes, parmi plusieurs autres, n’en sont pas moins sur le point de s’effondrer.
Parmi les quatre Blue Angels se trouve une pièce dont l’aluminium est peint dans un blanc mat, et dont l’intérieur noir de jais rappelle un grand morceau de papier. Une fois de plus, Lopez défie les attentes du matériau et transforme l’aluminium industriel en une délicate forme froissée. Malgré l’utilisation de produits issus de ligne d’assemblage, l’artiste aborde l’oeuvre tel un dessin et manipule chaque pièce elle-même. Cette oeuvre blanche est une réalisation plus manifeste de la sculpture comme dessin.
Michael Wilson a ainsi analysé la série lors de sa première présentation à la Galerie Simon Preston à New York:
« Retourner les formes minimalistes contre elles-mêmes n’a rien d’une idée neuve – on pourrait même considérer qu’il s’agit d’un genre en soi – mais offre toujours un espace de liberté. Dans Vertical Neck, sa seconde exposition personnelle a la galerie Simon Preston, l’artiste Michelle Lopez, basée à Brooklyn, a présenté une belle et forte suite de cinq nouvelles sculptures qui bénéficient de l’héritage durable du mouvement, mais qui échappe à la parodie et à la polémique au profit d’un langage plus subtil et allusif. Trois feuilles d’aluminium grossièrement pliées et fortement froissées s’appuient contre le mur et dépassent la hauteur d’homme, les intérieurs peints en bleu et noir, les extérieurs blancs ou réfléchissants. Il est manifestement suggéré que les tentatives de perfection formelle sont nécessairement vouées à l’échec, mais dans leurs jeux déformants de miroirs de foire, ces oeuvres renvoient l’argument non seulement à la folie artistique, mais aussi aux propres imperfections et vanités du spectateur. Le tableau n’est pourtant pas si noir; le brillant de l’aluminium rappelle un papier cadeau, évocateur de fêtes commémoratives et de renouveau. Il y a comme un parfum de pied de nez à l’approche cul serré des mecs minimalistes, mais le remake de Lopez est moins ostentatoire, plus approfondi, plus radical – et beaucoup plus attrayant – que ce que cela ne pourrait laisser croire. (Michael Wilson, Artforum, Novembre 2011)
Huit dessins à l’encre sur papier aquarelle, qui sont des études préliminaires à la série, seront présentés pour la première fois. Les sculptures Blue Angels ont elles été créées spécialement pour l’exposition.
Michelle Lopez a reçu son Master of Fine Arts de l’Ecole des Arts visuels de New York et son Bachelor of Arts du Barnard College de l’Université Columbia de New York. Elle a bénéficié d’expositions personnelles à la Galerie Simon Preston à Los Angeles ; Deitch Projects, New York; Feature Inc. New York; et la Fondation Nicola Trussardi, Milan, Italie. Elle a participé aux expositions de groupe Greater New York, P.S. 1 Contemporary Art Center, Long Island City (2000) ; New York ; Public Art Fund, Metrotech Center, New York (2000) ; et California Biennal, OCMA, Orange County, CA (2004). Elle a été primée au NYFA Grant dans la catégorie sculpture (2011) et a bénéficié du programme NYFA Fiscal Sponsorship (2009). A l’automne 2012, M. Lopez a rejoint le département des arts de la faculté de Yale à plein temps comme professeure de sculpture. Michelle Lopez vit et travaille à Brooklyn, New York.
Michelle Lopez, Blue angels
Du 18 octobre au 24 novembre 2012
Vernissage le 18 octobre de 18 à 23H
A l’occasion de la Nocturne des Galeries pendant la FIAC
Michelle Lopez, Blue Angels, 2012