En tant qu'artiste, je suis investie dans l'histoire de la sculpture, et dans ce que signifie fabriquer des objets et des figures en ces temps incertains. Mes Blue Angels (aluminium thermolaqué plissé et sculptures en acier inoxydable) sont une réaction à la vue, depuis Broadway, de l'effondrement des tours du World Trade Center le 11 septembre à New York. C'était à ce moment que j'ai compris que mon travail devait refléter cette violence et cette instabilité culturelles. J'ai imaginé les Blue Angels comme un hybride d'ailes d'avion, de pétales fanés et de plumes d'oiseau brisées.

En tant qu'artiste femme, j'aime aussi prendre des formes et des matériaux non seulement masculins, mais aussi minimalistes et monolithiques, et les rendre vulnérables. Cela vaut pour mes Flags, avec lesquels je tente de dénoncer le nationalisme, le patriotisme et le pouvoir caractéristiques d'une culture cocardière, et de transformer ces drapeaux en appels au secours. Les feuilles de plomb industriel enroulées autour de ces structures deviennent fragiles et organiques.

Dans ces icônes, je traque les contradictions et les lacunes perverses dans nos icônes culturelles communes, et les mots en "-isme" qu'elles signifient : le consumérisme, le nationalisme, le patriotisme, le terrorisme, le minimalisme, le machisme. Je joue sur cette familiarité culturelle pour mettre en lumière les oxymores de la société et du moi par des actes de violence physique et des inversions allégoriques, dans le but de défaire et de critiquer l'iconographie choisie. Je travaille à rebours, et je trouve la fragilité humaine inhérente à ces formes avant, par le choix des matériaux et la manipulation de la forme, de forcer la pièce à céder et à se plier.

Ces emblèmes culturels traduisent la manière dont nous nous présentons corporellement : appropriés, hybrides, suspendus, vulnérables ou même tragiquement monumentaux. Mes cordes de cristal suspendues sont à la fois des lustres déliés et des silhouettes avachies, solitaires et invisibles. Un trône doré (Throne) (réalisé après l'élection présidentielle américaine de 2016) se dresse, anémique et giacommettien. Les parties dorées sont une double tentative : susciter des instants "dorés", et donner au trône une grandeur que contredit sa sinistre réalité industrielle.

Plus récemment, mon travail présente un système d'échafaudage en équilibre précaire (House of Cards, installation [Simon Preston Gallery]). Il est délicatement mis en tension par d'improbables matériaux rigides : de la corde d'acier et des vrilles de vigne de plomb, que je fabrique moi-même comme si je les dessinais. Ces structures d'Arte Povera s'appuient les unes sur les autres, au bord de l'effondrement. Mais il y a des contradictions dans la structure : la corde s'élève au-dessus de l'échafaudage et le soutient. Les gravats de fer placent une partie de l'œuvre en suspension, comme une forme de résistance et même d'espoir impossible, chorégraphiée pour atteindre l'équilibre. J'étire du verre chaud pour poursuivre la ligne de dessin et je couvre le verre de nitrate d'argent pour créer une vibration des points et de l'espace entre chaque matériau, l'air y compris. Le verre devient lui aussi une silhouette solitaire suspendue.

Enfin, j'ai exploré notre expérience post 11-septembre et son résidu sur l'objet. Je cherche à racheter le langage sculpturel en examinant ses défauts, puis en allant vers la régénération. Je veux une vitalité de la forme, pour que la sculpture puisse revendiquer un nouveau discours qui ne soit aucun de ces mots en  -isme, qui soit et ne soit pas tout, et qui puisse connaître un nouveau départ.