La galerie Christophe Gaillard présente la première exposition personnelle de Pierre-Yves Bohm à la galerie. Après son exposition retrospective au Musée des Beaux-Arts de Tourcoing en 2009, il a poursuivi sa lente création et une série de grandes toiles ainsi que plusieurs oeuvres sur papier seront montrées pour la première fois au public.
Pierre-Yves Bohm a, tout au long de sa carrière de peintre, exploré la matière pour représenter l’humanité ; silhouettes, visages, corps, crânes et gisants sont figurés pour être ensuite mutilés sur la toile.
Les oeuvres sont souvent constituées de chutes de toiles - comme des morceaux de linceuls - cousues les unes aux autres comme une greffe de peau. En effet, comme l’écrit si bien Yves Brochard, « on est surpris par cette grande richesse technique. Plusieurs gestes, certains connus mais d’autres plus étranges : certaines parties de toile, visiblement récupérées sont cousues et puis il y a ces sortes de points colorés qui émergent des fibres, comme s’ils venaient du dos de la toile, comme si l’arrière demandait à se révéler sur le devant. Parfois certaines toiles donnent l’impression d’avoir été « chahutées », je pense ici à « Voile de crâne », sous le merveilleux fond gris, on voit surgir ces points de peinture et l’on devine alors que l’artiste fait littéralement « transpirer » la peinture en la pressant sur l’arrière de la toile, et là-derrière c’est parfois un vrai chaos ».
L’arrière des toiles est d’ailleurs souvent travaillé par l’artiste au même titre que la face : « Ce qui n’est pas visible existe et ce qui est montré ne constitue pas un écran. (...) la toile est entière autant derrière que devant comme un être ne se limite pas à sa surface. »
« La peinture qui sort par les pores, les piqûres dans la toile qui forment une sorte d’écran ou de glacis, installent une coloration sur toute sa surface. Ce que je cherche à voir, c’est la couleur qui suinte ou qui perle comme de la sueur de couleur et qui fait vraiment partie de la toile, comme si elle transpirait de la couleur. »
Yves Brochard encore, nous questionne sur le monde de l’artiste.
« Quel est l’univers de Pierre-Yves Bohm ? Si l’on regarde attentivement, des figures, des scènes émergent de ces réseaux graphiques, il y a comme il le dit lui-même « toujours le même personnage » et puis des têtes, un homme attrapé par un chien, des outils, des armes, des scènes de torture comme enfouies.
Parfois on pense à Nancy Spero pour la liberté du dessin, à Leon Golub pour oser peindre cela. Comme eux il y a la question de l’engagement dans la peinture mais aussi face au monde qui bouge : « Comment parler du quotidien avec ma peinture ? » Debout, c’était un guerrier, à l’horizontal il devient « Gisant ». Cette peinture a, dans l’atelier, une allure de trouble-fête, comment est-elle arrivée à ce point ? Elle est, à mon avis, un beau moment du parcours de l’artiste car on devine qu’il a choisi la voie la plus risquée, la plus aventureuse, que cette peinture l’inquiéte encore ou comme il le dit « la montrer comme ça ne m’est pas familier ». A côté l’ « Homme aux poings serrés » paraîtrait presque serein, fond tramé marron sur figure rouge comme une révélation. Dans l’autre pièce, deux formats carrés attendent également, un crâne et un visage sur fond noir, le premier est fait de « reliques » qui trainaient sur le sol de l’atelier, le second, de chutes de dessins cousues les unes aux autres comme une «greffe de peaux ».
Le quotidien du soir informe pendant l ‘écriture de ces lignes : Le 21 : « Sur le marché, les investisseurs sont flegmatiques », le 22 :« Torturer pour l’exemple »… On n’a que l’embarras du choix, et puis il y a le peintre dans son atelier perdu dans ce quartier délaissé de Roubaix, dans cette ancienne usine où l’on faisait des gaufres au beau prénom ; l’inquiétude, les questions, la méfiance… devant le monde aujourd’hui, mais avec la peinture, et finir par trouver un geste « pour être d’accord avec elle. »
A propos de Pierre-Yves Bohm
Né en 1951 à Roncq (Nord), Pierre-Yves Bohm vit et travaille à Roubaix. Après des études à l’Ecole des Beaux-Arts de Tourcoing, il est sélectionné pour le salon des réalités nouvelles à Paris; il n’a alors que 21 ans.
Une grande exposition lui est consacrée en 2009 au musée des Beaux-Arts de Tourcoing (commissaire d’exposition: Antoine de Galbert).
Son travail a récemment pu être remarqué au Musée des Beaux-Arts de Lyon dans le cadre de l’exposition Ainsi soit-il, qui présente une partie de la collection d’Antoine de Galbert ainsi qu’en 2012 dans l’exposition My Paris dasn l’espace berlinois « me Collectors Room » .
L’artiste est aussi représenté par la Galerie Bruno Mory à Besanceuil.