La Galerie Christophe Gaillard présente «The Fifth Hammer», première exposition personnelle d’Hannah Whitaker à Paris. Des photographies représentant des paysages de la Louisiane, du Costa Rica, des portraits ou encore des natures mortes composées d’objets quotidiens y seront présentées.
Des principes organisationnels sont à l’origine des photographies d’Hannah Whitaker : motifs visuels, répétitions, systèmes numériques ou encore les compositions musicales de John Cage. Dans chaque photographie Whitaker présente un raisonnement manifeste - illustré par une grille, un motif ou encore la répétition sur une série de photographies - tout en contrariant cette logique avec des erreurs, du hasard, des imperfections, du désordre.
Cette exposition souligne l’intérêt croissant de Whitaker pour l’espace à l’intérieur même de l’appareil photographique. Elle utilise une chambre photographique 4x5 pouces ce qui lui permet de manipuler la pellicule à la main. Elle utilise des écrans papier découpés à la main pour perturber ou transformer le processus photographique, défiant ainsi l’intégrité de l’image technique. Déployant ces écrans à différentes étapes de l’exposition de la pellicule, elle les utilise parfois directement lors de prises de vues multiples, ou encore s’en sert pour exposer la pellicule à la lumière. Grâce à ces techniques «in-camera», ses images se composent de couches successives de langages visuels, associant géométrie et photographie, le «fait main» et le technique, le plat et le tri-dimensionnel. Ainsi, les objets et espaces sont identifiés tant comme matière photographique, que comme produit des écrans eux-mêmes - fuites de marques de lumière ou formes définies par les écrans de papier découpés.
Avec une emphase sur la linéarité syncopée du dénombrement, les photographies de Whitaker donnent un rythme au regard, similaire au mouvement qu’induit la lecture. S’inspirant des écrits de Gertrude Stein et des designs textiles d’Anni Albers, elle met en place des types de stratégies répétitives qui seront défiées aussi vite qu’elles auront été établies. Whitaker s’intéresse aux histoires politisées et codées qui se cachent derrière les motifs et l’abstraction géométrique, tant dans les Beaux Arts que dans les arts populaires. Dans Water Water Water par exemple, elle emprunte la logique modulaire des «quilts» traditionnels Américains. Dans la série Limonene, elle va chercher dans les détritus récupérés sur les trottoirs de Miami, un langage visuel enraciné dans la peinture abstraite. La série Red est issue d’un projet plus large qui comprend 36 photographies re-photographiées, basé sur une séquence numérique.
Contrairement à ses précédentes séries, les sujets de «The Fifth Hammer» sont intentionnellement terre à terre. Tandis que l’élaboration de ses photographies est pour le moins non-conventionnelle, ce qu’elles représentent ne s’éloigne pas des usages convenus de la photographie. Elles documentent sa vie personnelle et ses voyages. L’emphase mise sur les conditions dans lesquelles ces photos ont été créées contredit néanmoins l’expérience même du regard : la photo 255 ne tire pas sa force de la grille qui dissimule le regard du modèle, mais du fait que malgré elle, le regard nous parvient.
Le titre de l’exposition trouve son origine dans la légende des marteaux de Pythagore racontée par Boèce dans laquelle Pythagore, en écoutant les bruits d’une forge, s’interroge sur l’harmonie rendue par les différents marteaux frappant l’enclume. En comparant le poids de chaque marteau au son qu’il produit, il en déduit les principes de l’harmonie musicale quantifiant ainsi un phénomène esthétique. Le cinquième marteau cependant est dissonant à l’égard des autres, Pythagore ne l’inclut donc pas à son étude. Cette histoire montre la limite d’un raisonnement logique quand il s’agit d’expliquer le monde qui nous entoure, de la même manière que les images perturbent la pensée linéaire pour y introduire des modes de pensée paradoxaux ou absurdes.