Les Rêves des Autres

Assez rapidement, après mon arrivée à Pékin, j?ai eu envi de peindre de grands formats sur le thème des animaux.
 
Mais quoi peindre? Leurs parures, comme autant de motifs hypnotisants? Leurs attitudes? Leur beauté formelle? L?écho de leurs présences dans l?Histoire de la Peinture? Malheureusement je ne suis pas aussi catégorique que cela lorsque je peins? J?aime la liberté totale en Peinture, pouvoir peindre ce que je veux. Je voudrais pouvoir faire un tableau comme on fait un rêve, c?est à dire sans logique préalable, sans choix narratif, sans décider en amont que le résultat devra être plausible ou pas. Nos rêves sont composés comme cela, sans corps, et pourtant solides. Des rêves que nous produisons il ne reste au réveil qu?une mince surface encore intelligible, je crois que c?est la même chose lorsque l?on peint. Je me suis toujours intéressé aux surfaces dans la Peinture. C?est tout ce qu?il reste d?un tableau. La mémoire du monde et celle du peintre y sont figées, quasiment indéchiffrables. Regarder un tableau c?est toujours une enquête, c?est décrypter des hiéroglyphes à la lumière d?une lampe torche. Découvrir un pays, y vivre un peu, c?est pareil. J?ai pendant trois mois arpenté les surfaces de Pékin, ses grandes artères, puis ses trous, ses hutongs, la mémoire de la ville y est dissimulée. J?ai taché de comprendre Pékin, mais pas à la manière d?un visiteur le nez dans son guide de voyage. Je dirais que j?ai découvert la ville comme on analyse un rêve au matin, mais le rêve d?un autre?c?est plus difficile, mais bien plus passionnant.  
 
J?ai voulu penser cette exposition comme un lieu intermédiaire, un rêve sans narration, un terrain d?entente. Ce sont des rêves, mais des rêves d?animaux. C?est surtout de la Peinture avec comme prétexte les rêves, mais les rêves des autres.
 
Julien des Monstiers

Septembre 9, 2017