1893 Eugen Gabritschevsky naît le 3 décembre à Moscou. Il est le deuxième fils d’une famille qui compte cinq frères et sœurs, Alexander (1891-1968), Georg (1896-1979), Elen (1899-1937) et Irene (1900-1996), et n’aura aucun descendant portant le nom de Gabritschevsky. Son père Georg N. Gabritschevsky (1860-1907), bactériologue reconnu internationalement, travaille auprès de Louis Pasteur à Paris, et Robert Koch en Allemagne. Professeur à l’université, il fonde le premier Institut d’épidémiologie et microbiologie à Moscou.
1907 Décès prématuré du père alors qu’Eugen a 14 ans. Sa mère Elen (1862-1930) veille à l’éducation des enfants. La famille vit désormais chez Vladimir et Elena Stankevitch, l’oncle et la tante de la mère d’Eugen. Eugen évolue dans un univers social privilégié, cultivé et polyglotte, dont l’œuvre gardera l’empreinte. Près de vingt professeurs particuliers, universitaires et artistes, assurent la formation des enfants Gabritschevsky qui parlent tous plusieurs langues. Dès son jeune âge, Eugen réalise des dessins et des peintures sur papier. « Il n’y a pas une seule période dans sa vie, durant laquelle il n’eut pas fait des dessins ou des peintures dans ses moments libres. Eugen dessinait déjà quand il savait à peine lire et écrire. » déclare en 1959 son frère Georg.
1907 Voyage en France. Vers 1910 Eugen Gabritschevsky visite une exposition des membres de Mir iskousstva (Le Monde de l’art). Initié par Diaghilev . Ce groupe influence l’évolution du décor théâtral et jouera un rôle décisif dans la naissance des Ballets russes. Ses fréquentations ont pu marquer le jeune Eugen et expliquer la place importante de la mise en scène dans son œuvre. Pendant ses années de jeunesse à Moscou, Eugen Gabritschevsky fréquente le salon littéraire de Margarita Morozov (1873-1958), épouse de Mikhaïl Morozov et belle-sœur d’Ivan Morozov, tous deux collectionneurs. Il a possiblement découvert, par leur intermédiaire, un grand nombre d’œuvres d’artistes occidentaux de l’époque.
1910-1911 Il visite l’exposition du mouvement moscovite Le Valet de carreau (1910-1913) rassemblant des œuvres des frères Bourliouk, de Gontcharova, Larionov, Malevitch, Survage, Kandinsky, Jawlensky, Münster. Le mouvement réinterprète les acquis de Cézanne et du postimpressionnisme, ceux du fauvisme et de l’expressionnisme du Blaue Reiter.
1912 Il suit les conférences-débats organisés par Le Valet de carreau au Musée polytechnique de Moscou.
1913 Âgé de 20 ans, il entre à l’université de Moscou en biologie, où il s’intéresse principalement aux questions liées à l’hérédité, poursuivant
des formations en embryologie, histologie, technique microscopique, et en anatomie des vertébrés et invertébrés. Son intérêt précoce pour la nature, particulièrement l’entomologie, semble avoir orienté ses études académiques et expliquer l’omniprésence d’un monde animal, hybride et imaginaire, dans ses œuvres. Comme l’écrit Georg, « sa fantaisie allait de pair avec sa pensée scientifique et logique ».
1914 Second voyage en Europe occidentale avec sa famille. Il se rend en France, en Angleterre et regagne la Russie par la Norvège et la Suède.
1917 Il traverse sans encombre les années de guerre et la Révolution d’octobre. Il est dispensé de mobilisation entant qu’étudiant.
1924-1927 Il quitte l’Union soviétique en 1924, pour ne plus jamais y revenir. Il séjourne brièvement à Munich avant d’arriver à New York le 19 janvier 1925, pour poursuivre des études postdoctorales à l’université de Columbia sous la direction du professeur Thomas Hunt Morgan. De l’été 1925 au début de l’année 1926, il travaille au laboratoire de Woods Hole dans le Massachusetts. Durant cette période américaine, il rencontre une jeune française surnommée Tiette, avec qui il vit une relation amoureuse.
1927-1929 En 1927, Eugen Gabritschevsky rejoint l’Institut Pasteur à Paris, pour travailler sous la direction du professeur Roux. Les articles qu’il publie portent sur « la compensation de la croissance séparée des membres des araignées » et sur le comportement et l’évolution des mouches. En 1929, il travaille quelques mois à l’académie des Sciences de Munich et publie ses recherches en allemand. Georg mentionne que l’état de santé de son frère s’aggrave durant ces années, forçant l’arrêt répété de ses travaux.
1930 Sa mère meurt à Munich après avoir revu ses fils, Eugen et Georg.
1931 En avril, Eugen arrive à l’université d’Édimbourg, en Ecosse, invité par le généticien Francis Albert Eley Crew. En octobre, il est forcé d’interrompre ses recherches suite à la détérioration de son état de santé et revient à Munich. Il est finalement interné à l’hôpital psychiatrique d’Eglfing-Haar où il reste jusqu’à sa mort en 1979, hormis des séjours intermittents chez des amis et son frère. À Haar, il se consacre intensément à la création. Il travaille sur des supports de récupération (calendrier, papier radiographique, documents administratifs de l’hôpital). Son frère rapporte qu’Eugen écrit également énormément (lettres et essais philosophiques).
1939-1945 Pendant la seconde guerre mondiale, Il aurait été hébergé par plusieurs personnes, notamment chez Mme Kleindinst, une ancienne gouvernante allemande de sa mère revenue au pays.
1945 Ses travaux scientifiques, stockés dans l’appartement de Georg à Munich, sont détruits dans les bombardements.
1948 Jean Dubuffet est informé de l’existence de l’œuvre par le professeur Von Braunmuhl, médecin de l’artiste.
1950 Georg Gabritschevsky émigre à Washington ; il charge une amie proche, Emma Poncelet, de rendre régulièrement visite à Eugen à l’hôpital.
1960 Georg, qui souhaite faire vivre l’œuvre de son frère, accepte que Jean Dubuffet en informe son ami Alphonse Chave, galeriste à Vence, lequel se rend en Allemagne accompagné de son fils Pierre et du collectionneur Jacques Uhlmann pour acquérir plus de 5 000 feuilles dont 3000 ont été considérées par Chave comme importantes. La même année, Alphonse cède 642 œuvres à la galerie Daniel Cordier, dont les futures donations en 1989 au Musée national d’art moderne – Centre Georges Pompidou, feront mieux connaître l’œuvre en France. En 1972, Max Ernst achète cinq peintures, qu’il installe dans son salon. Aujourd’hui, la galerie Chave continue à défendre l’œuvre à la galerie Chave.
1962-1963 Dans une lettre à son frère Alexander, qu’il n’a pas revu depuis son départ de Russie, Eugen écrit : « Je vis dans une prison qu’on appelle ici Anstalt [...] J’ai surtout peint une peinture fantastique. Il y a eu des expositions à Francfort, à New York, à Vence (en France), et ils m’ont décrit comme un peintre de génie. Maintenant je travaille peu et je vis avec les critiques du passé. J’ai travaillé comme un fou un moment mais maintenant tout est du passé. »
1979 Eugen Gabritchevsky meurt le 5 avril à l’âge de 86 ans à Haar.
