Cosmos 1999 est une série télévisée de science-fiction des années 70. Elle raconte une Terre qui a entreposé ses déchets nucléaires sur la Lune où est déjà installée la base de replis ‘Alpha’. Alors qu’une explosion provoque une très puissante réaction en chaîne, la Lune quitte l’orbite terrestre, puis le système solaire. Dans l’incapacité de regagner la Terre, les survivants errent dans le cosmos et affrontent des dangers au fil de leurs rencontres avec des civilisations extra-terrestres. L’exposition Cosmos 99 pourrait être le vaisseau de cette expédition et les œuvres qui la composent les manifestations ou les témoignages d’un vivant à l’état de survivance.
C’est d’abord une histoire de la dérive et de nos dérives. L’instabilité du vivant et de la matière a ainsi généré des excroissances, des sortes de témoignages archéologiques qui ont aggloméré des objets, symboles de nos orgueils et de nos surconsommations. Les dresser et les monter comme des barricades, c’est nous confronter aux usages que nous en faisons au quotidien. Le vaisseau prend ici l’allure d’un bateau ivre. Ces mondes de fusions et de métamorphoses ne ressemblent plus à rien. Les monstres et les animaux inquiétants du passé rencontrent les fantasmes de mutations futures et tout cet univers bouge au rythme d’une invocation en trois temps : Nature, Humanité, Technologie.
C’est aussi une histoire de l’errance. Et nous pouvons ici filer la métaphore de l’univers jusqu’au trou noir, cette région si dense que plus aucun rayonnement n’y parvient où n’en sort. Cet exil dans l’espace est ce qui nous rapproche en effet de l’origine et de la fin. C’est là que naissent les constellations d’idées, les voies lactées et les prières aux étoiles. Les projections, les grandes mythologies et les lectures du monde à travers les cartes et l’alignement des planètes racontent notre confiance arrogante en notre capacité toujours à déchiffrer. C’est Novalis qui disait ‘Nous sommes en relation avec toutes les parties de l’univers, ainsi qu’avec l’avenir et le passé’. Daniel Pommereulle avait le désir de photographier la lune, le soleil et les étoiles comme pour les capturer. Cette dystopie écologique est celle de la cohabitation de l’humain avec sa pollution, sa désolation et sa poésie.
Enfin, c’est l’histoire de la création et le voyage de l’artiste dans lequel les étoiles servent tout à coup de guides comme aux marins dans la nuit. Franz Kafka demandait au livre de servir de hache pour la mer gelée qui est en nous. Philip Guston cite John Cage dans le catalogue de Dana Schutz – encore une histoire de constellations. Il dit qu’au début quand tu commences à créer, il y a tout, les amis, les idées, les ennemis, la confiance, l’envie. Tout le monde est là. Puis le temps passe et chacun s’en va à tout de rôle. Il conclut qu’à la fin, si tu as de la chance, tu t’en vas aussi. C’est la nuit noire, le jeu du vide, miroir de nos erreurs et de nos cruautés. C’est la mélancolie de la perte d’un ciel étoilé, un monde qui s’obscurcit dans lequel on brûle du désir de voir apparaître des flashs, des fantômes bienveillants et des guides. On sait qu’ils nous mentent et nous rassurent : ça va aller. Alors, on décide d’y voir ce qu’on veut.
Elisa Rigoulet, janvier 2024.