Au rez-de-chaussée de la galerie, Wired-up célèbre l’art textile comme force de résistance, de transmission et de libération.
Le textile est l’un des plus anciens savoir-faire humain — un art utilitaire devenu support d’identités, de récits et de mémoire. Pourtant, dans de nombreuses cultures, il fut longtemps relégué au rang de “travail manuel” ou de “loisir féminin”, en dépit de la richesse technique, collective et expressive qu’il incarne.
Dès les années 1970, le mouvement Fiber Arts revendiquait déjà une reconnaissance pleine et entière de cette esthétique souvent perçue comme “féminine” ou “mineure”. À la même époque, Claude Viallat s’affranchit des formats traditionnels de la peinture : il abandonne le châssis, travaille sur des tissus trouvés — nappes, toiles de tente, de parasol — et applique une forme répétitive, obsessionnelle, qui deviendra sa signature. Ce motif abstrait, souvent comparé à un “haricot”, devient un geste libérateur et une manière de donner voix au support.
Wired Up met en lumière les échos entre cette approche et celle d’artistes contemporains, dont les pratiques textiles ou matérielles explorent des enjeux à la fois politiques, écologiques, intimes et collectifs.
Avec Eric Baudart (FR, 1972), Amandine Guruceaga (FR, 1989), Toufan Hosseiny (BE, 1988), Lisa Ijeoma (BE, 1996), KRJST Studio (BE) : Justine de Moriamé (1986) et Erika Schillebeeckx (1988), Anne Marie Maes (BE, 1955), Ceija Stojka (AT, 1933–2013) et Claude Viallat (FR, 1936). Toutes et tous, à travers le fil, le tissu ou la matière, explorent des formes d’expression puissantes, chargées de mémoire et d’émotion.
Au premier étage, Elevating the Everyday – Art, Design, and Fashion in Transformation, deuxième volet de l’exposition Claude Viallat – Unravelled, pose une question simple : que devient un objet du quotidien lorsqu’il entre dans le champ de l’art ? Reste-t-il lui-même, ou devient-il tout autre chose ? De l’urinoir de Duchamp au Balloon Dog de Koons, en passant par la boîte de soupe de Warhol, les objets usuels changent de statut et de signification dès qu’ils sont soustraits à leur contexte d’origine pour être intégrés dans le cadre artistique. Cette transformation s’observe également dans le design et la mode — pensons au Potato Chips Bag de Balenciaga signé Demna, au Paint Can Bag de Louis Vuitton, ou encore au mythique Birkin Bag, passé du sac fonctionnel à l’objet fétiche.
Ces exemples, bien qu’absents de l’exposition, nourrissent la réflexion qui mène à Claude Viallat. Une fois encore, il ouvre la voie. En détournant des matériaux modestes — papiers, tissus usés, supports délaissés — il élève l’ordinaire au rang de matière picturale. Détachés de leur fonction première, ces matériaux trouvent une nouvelle vie : l’histoire et la texture du tissu deviennent partie intégrante de l’œuvre.
Autour de lui, plusieurs artistes représentés par la galerie interrogent à leur tour cette frontière entre fonction et fiction, transformant l’ordinaire chacun à leur manière : Bina Baitel (FR, 1977), Marcel Bascoulard (FR, 1913–1978), Eric Baudart (FR, 1972), Stéphane Couturier (FR, 1957), Hélène Delprat (FR, 1957), Julien des Monstiers (FR, 1983), Mimosa Echard (FR, 1986), Michel Journiac (FR, 1935–1995), Anita Molinero (FR, 1953), Leo Orta (FR, 1993), Bernard Schultze (PL, 1915–2005), Ursula Schultze-Bluhm (DE, 1921–1999), Deborah Turbeville (US, 1932–2013) et Claude Viallat (FR, 1936).
Ces artistes nous invitent à regarder autrement. Car parfois, il suffit de détourner un objet — ou de décaler notre regard — pour qu’il perde sa banalité et révèle toute sa puissance.
